Loi Travail : la mobilisation s’essouffle, pas la contestation

Le gouvernement aurait tort de voir dans la faible mobilisation syndicale de ce 15 septembre un « baroud d’honneur ».

Michel Soudais  • 15 septembre 2016
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Loi Travail : la mobilisation s’essouffle, pas la contestation
© Photo: Michel Soudais

La mobilisation contre la loi travail n’a pas été à la hauteur des espoirs des manifestants qui, par dizaines de milliers ont encore battu le pavé dans toute la France, ce 15 septembre. Les autorités en ont compté 78.000 – 65.000 en province et environ 13.000 à Paris –, la CGT 170.000. On est loin des 390.000 manifestants comptabilisés par les autorités – 1,2 million par la CGT – le 31 mars au plus fort de la mobilisation.

Ce reflux était toutefois prévisible, et les syndicats eux-mêmes s’y attendaient. D’abord parce qu’il est difficile de mobiliser contre une loi adoptée, fût-ce sans débat parlementaire grâce au 49-3, et désormais promulguée. Ensuite parce que la répétition des journées de mobilisation pèse sur le revenu des salariés qui se mettent en grève. Enfin parce que les conditions de sécurité draconiennes imposées par les préfecture pour manifester depuis le mois de juin ont dissuadé beaucoup d’opposants de se joindre aux cortèges.

À Paris, où la préfecture avait mobilisé 1.200 CRS, policiers et gendarmes pour encadrer la manifestation, un impressionnant filtrage avait été mis en place tout autour de la place de la Bastille avec fouille des sacs et palpation des manifestants. Ce dispositif, dissuasif pour bien des manifestants pacifistes, s’est révélé une fois de plus inopérant face à la détermination des quelques centaines de manifestants autonomes résolus à en découdre. Mais peut-être était-ce le but recherché ? On connaît le poids des images. Celles des nuages de gaz lacrymogènes à Paris ou à Nantes, celles du CRS se débattant dans les flammes d’un cocktail Molotov place de la République, ne manqueront pas d’être utilisées pour discréditer les opposants à la loi travail. Mais si elles ne favoriseront pas de nouvelles mobilisations, elles ne rendront pas plus acceptable la loi travail. Ni ses petites sœurs déjà dans les cartons.

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Le gouvernement aurait toutefois tort de voir dans la faible mobilisation de ce 15 septembre un « baroud d’honneur », comme le lui suggère bien des médias. Malgré une certaine lassitude, il y a eu encore, selon son propre décompte, 168 rassemblements et défilés dans toute la France. Ceux-ci étaient même plus fournis que les dernières manifestations contre la réforme des retraites du gouvernement Ayrault.

Sans doute peut-il se rassurer en jugeant que cette treizième journée de manifestations contre la loi travail sera la dernière. C’est probable. Aucune nouvelle date de manifestation n’est prévue après cette journée organisée à l’appel de la CGT, FO, FSU, Solidaire, Unef, UNL et FIDL. Et Jean-Claude Mailly (FO) a fait savoir que son organisation « ne s’inscrit pas dans un cycle de manifestations ».

Mais les syndicats n’entendent pas relâcher la pression pour autant. Parce qu’« une mauvaise loi, même adoptée, reste une mauvaise loi », suivant le mot de Philippe Martinez, le leader de la CGT, ils comptent bien porter la contestation sur un autre terrain. Par des recours juridiques, entre autres, à travers les questions prioritaires de constitutionnalité ou des recours en conformité par rapport aux conventions internationales du travail, ils entendent empêcher l’application de la loi, en entreprise.

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Enfin, parce qu’elle a été, comme le rappelait hier Jean-Claude Mailly, le secrétaire général de FO, « un ratage complet sur la méthode et le fond », cette loi va « laisser des traces » au sein de la majorité. L’amertume qu’elle suscite parmi les salariés qui ont battu le pavé ne serait-ce qu’une ou deux fois durant ces longs mois de contestation n’est pas prête de s’effacer. Les candidats du PS, à la présidentielle comme aux législatives, peuvent se préparer à en payer le prix au printemps prochain, cash.

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