Ne pas avoir peur du « 9-3 »

Lana*, professeur d’anglais de 25 ans, relate sa première rentrée en tant que titulaire dans un collège de REP + en Seine-Saint-Denis.

Lana  • 7 septembre 2016
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Ne pas avoir peur du « 9-3 »
Photo : Robert Grahn / EUROLUFTBILD / AFP.

Mardi 6 septembre.

Pour ce deuxième jour de cours, j’ai rencontré ma dernière classe de sixième, ceux que je ne connaissais pas encore. Ils étaient plus qu’en forme ! Entre le drama d’une élève qui est sortie en pleurant parce que les autres s’étaient moqué de son prénom avant même que je n’aie fini d’installer tout le monde à sa place, et la dispute entre deux voisins de table qui ne se supportent déjà plus, j’ai dû prendre mon mal en patience pour que ce cours se passe au mieux…

Après, je suis allée en salle de réunion pour la fameuse visite collective du quartier organisée par un ancien professeur de maths qui est maintenant chargé de la collaboration entre le collège et les écoles primaires. Il fait aussi des études sur l’archéologie de terrain en Seine-Saint-Denis. Nous étions à peu près une quinzaine, les nouveaux mais aussi le chef d’établissement et d’autres professeurs. Avant que tout le monde n’arrive, la CPE nous a accueilli avec un petit verre d’eau ou du soda et nous a rappelé qu’une personne présente dans l’établissement tous les mardis était là pour nous aider à propos de la gestion de classe ou au niveau pédagogique si nous en ressentions besoin. Je me suis dis que c’était encore « un truc REP + », une chance donc, et que je la contacterai. Peut être pas tout de suite pour m’observer en classe mais en tout cas pour lui demander des conseils.

La visite a commencé par une introduction avec des cartes géographiques du quartier autour du collège. Le collaborateur est remonté jusqu’au 14e siècle. On a compris pourquoi la ville s’était construite de cette manière et les raisons historiques de la pauvreté sociale.

Il nous a aussi expliqué que, depuis la fin des années 1990, tout avait pris un nouveau tournant et que de nouveaux projets avaient eu lieu. Nous avons ensuite fait la visite guidée du quartier, où l’on s’est rendu compte que les nouvelles résidences et bureaux n’étaient pas qu’une façade pour cacher des cités avec des barres, image typique qu’on pourrait se faire du « 9-3 ».

On est allé se balader vers le quartier qui « craignait » il y a peu et où l’on peut voir maintenant des élèves jouer et faire du vélo tranquillement. Ils nous ont reconnu et dit bonjour. Il y a encore de vieux bâtiments et des maisons individuelles qui ont maintenant beaucoup de charme.

Problème : une large partie du quartier va accueillir de nouvelles habitations et il n’y a pas encore d’autre collège que le nôtre. Une bonne partie des enfants vivant ici sont déjà envoyés dans un autre collège ce qui les oblige à un long trajet dans des bus qui sont parfois tellement bondés qu’ils ne s’arrêtent même plus.

La visite s’est terminée autour d’un verre, comme le veut la tradition. Cela fait maintenant dix ans que l’ancien prof de maths fait cela. Le but pour lui est que les professeurs puissent découvrir le quartier et voir dans quel environnement les élèves vivent. Et aussi que, pendant l’année, les élèves puissent voir que leurs professeurs anciens comme nouveaux sont à l’aise et qu’ils ne sont pas là que pour faire leur boulot et repartir. De leur côté, ce n’est pas parce qu’ils viennent du « 9-3 » qu’ils doivent faire peur.

Lire épisode 6 >> « Elle est trop gentille… »

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