Silence, on pense !

Les rares politiques qui ébauchent des pistes pour sortir de l’impasse productiviste et libérale sont ignorés des médias.

Michel Soudais  • 7 septembre 2016 abonné·es
Silence, on pense !
© Photo : Simon Guillemin/Hans Lucas/AFP

Au beau milieu de l’été, deux informations auraient bien mérité de faire l’ouverture des journaux télé-visés. Depuis le 8 août, la planète vit à crédit. Le « jour du dépassement » des capacités de la Terre à renouveler les ressources consommées par l’homme, calculé par le Global Footprint Network, qui utilise des données issues de 70 organisations mondiales telles que l’ONU, des institutions scientifiques ou des universités, arrive de plus en plus tôt chaque année. En 1971, nous commencions à accumuler de la « dette écologique » à partir du 24 décembre. En 2000, cette date était déjà avancée au 24 septembre.

Ce qui est mesuré, c’est l’accroissement de l’empreinte écologique de l’humanité dû à notre mode de vie ; le carbone, principal gaz à effet de serre, y entre pour 60 %. Concrètement, cela signifie que « nous aurions besoin de la surface de 1,6 planète pour pouvoir soutenir nos modes de consommation », explique Arnaud Gauffier, responsable du WWF France.

Autre information digne d’attention : à la mi-août, un rapport d’Henderson Global Investors sur les dividendes versés dans le monde au deuxième trimestre par les 1 200 plus grosses entreprises nous apprenait que c’était en Europe que les actionnaires s’étaient le plus enrichis, avec 124,1 milliards d’euros accumulés en seulement trois mois. Et singulièrement en France, puisque les dividendes y ont augmenté de 11,2 % (la moyenne européenne est de 4,1 %), pour atteindre 35 milliards d’euros. « Seuls les Pays-Bas et la Corée du Sud ont réussi à surpasser » ce résultat, affirme Henderson Global Investors, « même si la contribution de ces derniers au total général mondial a toutefois été bien inférieure à celle de la France ».

Cocorico ! D’ailleurs, ça va tellement mieux dans ce domaine qu’une autre information révélait que, sur les six premiers mois de l’année, les seules entreprises du CAC 40 avaient accumulé 40 milliards d’euros de profits (+ 4 %). La compétitivité des entreprises, au nom de laquelle on nous impose une stagnation salariale et une incessante remise en cause des conquêtes sociales, n’est donc pas aussi mauvaise qu’on veut nous le faire croire.

Ces deux informations, parce qu’elles résument les deux grandes problématiques auxquelles nous sommes confrontés – l’impasse productiviste qui menace notre écosystème et l’impasse libérale qui ne cesse d’accroître les inégalités –, appelaient des commentaires et des réactions. Mais, si elles ont fait réagir, à des degrés divers, Cécile Duflot, Benoît Hamon, Pierre Laurent ou Jean-Luc Mélenchon, pour ne citer qu’eux, ce qu’ils ont pu en dire a rarement fait plus que quelques lignes dans la presse écrite. La plupart des médias étaient occupés à compter nos médailles olympiques et à partager l’obsession de la droite et de Matignon pour un maillot de bain entr’aperçu sur nos côtes. Et maintenant leur grande question serait de savoir si, comme le soutient Emmanuel Macron, le gouvernement ne s’est pas arrêté à mi-chemin des réformes libérales qu’il eût fallu faire… Comme si, à l’approche du mur vers lequel nous fonçons depuis plusieurs décennies, nous n’aurions le choix qu’entre maintenir l’allure ou accélérer.

Quand les sept premiers mois de l’année ont été les plus chauds que le monde ait connus depuis les premiers relevés de température – y compris dans notre pays –, quand le chômage s’enkyste, que la précarité s’accroît et que les inégalités augmentent, il convient plutôt de trouver le frein. Que ce soit pour préserver la planète ou partager les richesses, des solutions existent. Dans les résistances contre les grands projets inutiles et imposés comme dans l’opposition aux lois Macron et El Khomri, des alternatives ont été imaginées. Des partis politiques s’en saisissent et en discutent. Il est plus que temps de les porter sur la place publique. Pour élever le débat et réintéresser nos concitoyens à la politique.

Société
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Et si on élevait le débat !
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