Clap de fin pour la jungle de Calais

Plus de 2 300 migrants ont quitté Calais lors du premier jour de l’évacuation du campement. Une « opération de mise à l’abri humanitaire » qui s’est déroulée dans le calme, pour le moment.

Vanina Delmas  • 25 octobre 2016 abonné·es
Clap de fin pour la jungle de Calais
© Photos: Vanina Delmas

Les gyrophares bleus des CRS transpercent la nuit noire, aiguillant les voitures des journalistes et associations qui tentent de se frayer un chemin vers le campement de la Lande. Il est 7 heures du matin ce lundi 24 octobre quand des centaines de migrants de la jungle de Calais commencent à se presser devant le portail d’un immense hangar de 3 000 m2, baptisé «point d’accueil» et avec sanitaires, points d’eau et postes de secours pour l’occasion. Grand luxe. Le déroulé des événements est orchestré par la préfecture, sous l’œil parfois inquiet des associations de terrain, et les flashs aveuglants des quelque 700 journalistes venus du monde entier pour couvrir ce « travail de grande précision inédit », selon le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve.

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Dans un premier temps, les migrants souhaitant rejoindre les cars qui les emmèneront vers un centre d’accueil et d’orientation (CAO) doivent se ranger dans la bonne file d’attente. Quatre groupes distincts : les adultes, les mineurs isolés, les familles et les personnes vulnérables. Les familles restent discrètes pour ce premier jour même si 26 CAO sont disposés à les recevoir, contrairement aux mineurs isolés. Ces derniers sont recensés et installés au centre Jules Ferry sur la jungle, dans l’attente de l’instruction de leur dossier, souvent pour rejoindre leur famille en Grande-Bretagne. Trois cents sont déjà passés outre-Manche, dont 200 la semaine dernière.

Après cette séparation en catégories, l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) leur remet un bracelet de couleur, bien visible sur le poignet, indispensable pour accéder à l’étape suivante de cette « mise à l’abri ». Chaque couleur correspond à une région de France. Certains sont heureux de leur destination, d’autres se retrouveront dans la vallée du Rhône alors qu’ils rêvaient de la Bretagne. Puis, la Sécurité civile relève leur identité et les informations relatives à leur situation pour les transmettre aux CAO. Au total, 450 centres les attendent pour un « temps de répit » de quelques mois.

Dernière étape avant le départ : encore l’attente, mais sous une tente jusqu’à ce qu’il y ait assez de monde pour remplir le car. Une situation, un bracelet, une couleur, une région. La prise en charge individuelle tant espérée par les associations n’est pas encore à la hauteur. Mais les au revoir enthousiastes et les sourires spontanés derrière les vitres des cars ne laissent aucun doute sur leur soulagement de ne pas passer l’hiver à Calais.

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Lassés d’attendre ou venus en repérage, certains migrants rebroussent chemin vers ce qui reste de la jungle. La partie sud a été démantelée sans ménagement en février dernier, laissant seulement des hautes herbes parsemées de vestiges de cabanes en bois ou de bâches colorées. Au nord, les nombreux commerces ont reçu l’ordre de fermer leurs portes le 12 octobre par le tribunal administratif de Lille. La plupart sont vides mais encore debout. Un coiffeur, une école, des restaurants afghans, un « British hôtel »… Les enseignes sont encore lisibles et souvent taguées de mots de paix et d’espoir mais l’arrêté préfectoral est désormais épinglé sur la porte. Ils savent que le destin de ce qu’ils ont bâti est scellé pour le moment. Quelques Afghans commencent à brûler eux-mêmes les palettes et le mobilier de leurs échoppes. Dès le lendemain, les bulldozers de « nettoyage » sillonneront les allées de terre, sans prêter attention aux dessins d’enfants sur les murs. En toute humanité.

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