COP 22 au Maroc : la difficile contestation de la société civile

Des grèves d’enseignants au gaz de schiste, pas facile de s’opposer au pouvoir…

Claude-Marie Vadrot  • 12 novembre 2016 abonné·es
COP 22 au Maroc : la difficile contestation de la société civile
© Photos: Claude-Marie Vadrot

Alors que l’espace réservé à la société civile s’assoupissait doucement, anesthésié par l’élection du nouveau président américain, une petite manifestation hétéroclite s’est constituée vendredi pour parcourir les stands et tenter de réveiller une représentation « associative » dominée par des ONG liées à des gouvernements, des organismes ou des entreprises plus soucieux de vendre leur savoir faire et leurs matériel que de préserver la planète du réchauffement climatique. Comme en témoigne l’abondance des véhicules électriques ou des équipements de production électrique. Comme un symbole d’une marchandisation des combats des écologistes.

Quant aux « grandes » associations, elles sont plus que jamais essentiellement présentes dans les couloirs de la COP 22 dont elles singent ou copient les langages avec de plus en plus de succès. Y compris pour l’affichage de l’optimisme officiel des délégations françaises et européennes qui expliquent, désormais, que Donal Trump va « certainement changer d’avis sur l’intérêt de l’accord de Paris ». Optimisme qui n’est qu’une façade suggérée par la plupart des gouvernements.

Gaz de schiste en projet

La petite manifestation, loin de tout optimisme, était menée par les rares représentants sur place des Peuples Indigènes et par les opposants aux projets du gouvernement marocain désireux d’autoriser l’extraction des gaz de schiste dans le pays. Le coordinateur de ce petit groupe, très mal vu dans le pays, l’ingénieur agricole Mohamed Benata, explique :

Nous existons depuis 2001 et nous nous opposons aussi bien à ce projet énergétique qu’aux destructions de la nature et de l’environnement sur notre littoral car non seulement c’est un gâchis écologique, mais cela permet de chasser les habitants vers l’intérieur au profit d’un tourisme de masse qui évite au maximum de laisser les touristes prendre contact avec les Marocains.

Quant aux gaz et aux huiles de schiste, explique l’ingénieur, nos responsables sont certains qu’il en existe de gros gisements sous les bassins versants situés entre 2000 et 3000 mètres ; dans des zone où de nombreuses nappes phréatiques alimentent les terres agricoles, donnent naissance à des rivières et permettent l’accès à de l’eau potable. « Alors, ajoutent Mohamed Benata et la présidente de son association Nadia Hmaity, nous craignons de graves pollutions. D’autant plus que deux sociétés, une américaine et une anglaise, sont déjà en train de procéder à des forages d’exploration en altitude. »

Profs en grève de la faim

Ils ne sont pas très tendres non plus avec la plupart des associations de protection marocaines présentes, en expliquant que la plupart d’entre elles sont venues, souvent de très loin, tous frais de voyage et de séjour payés par le pouvoir : « C’est notre fierté que d’être présents ici sans aucun financement du gouvernement, ce qui nous laisse une totale liberté d’expression. »

© Politis

D’ailleurs, tous ceux qui contestent le pouvoir ne sont pas les bienvenus dans l’espace associatif de la conférence. C’est par exemple, le cas de plusieurs centaines d’enseignants diplômés depuis un ou deux ans mais non nommés et donc condamnés au chômage. Derrière des barrières installées le long du bureau de poste, ils occupent un coin de la place principale de Marrakech, Jemaa-el-Fna, sous la surveillance de la police ; une trentaine d’entre aux ont entamé une grève de la faim, il y a plusieurs jours. Ils comptent bien, si cela ne leur est pas interdit, participer à la marche du climat programmée dimanche en début d’après-midi.

Écologie
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