De quelle primaire parle-t-on ?

Mal nommer le scrutin des 22 et 29 janvier entretient un flou dont le PS cherche à tirer profit pour maintenir sa domination sur la gauche.

Michel Soudais  • 21 décembre 2016 abonné·es
De quelle primaire parle-t-on ?
© Photo: Quentin Veuillet / Citizenside / AFP

Comment désigner le scrutin des 22 et 29 janvier ? La question est tout sauf anodine. Plusieurs expressions sont en concurrence : « primaire de la gauche », « primaire de gauche » ou encore « primaire de la Belle Alliance populaire ». Le site Internet dédié et les tracts appelant les électeurs à participer à cette élection ont opté pour « primaires citoyennes ». Or, ces appellations sont inexactes ; elles constituent des tentatives de maintenir la centralité du Parti socialiste au sein de la gauche au moment où celle-ci est fortement contestée.

Impossible de parler de « primaire de la gauche » quand plusieurs mouvements politiques de cette partie de l’échiquier refusent ou ont été empêchés d’y participer. C’est le cas, pour les premiers, de Jean-Luc Mélenchon et des formations de feu le Front de gauche, ainsi que des écologistes d’EELV. C’est le cas, pour les seconds, de trois formations politiques : Nouvelle Donne, le Mouvement républicain et citoyen et le Mouvement des progressistes.

Évoquer une « primaire de gauche » n’est pas moins fautif quand certains participants rêvent d’un gouvernement de coalition transcendant le clivage gauche-droite. Ainsi, pour Jean-Luc -Bennahmias (Front démocrate), les décisions à prendre « demandent de former un arc démocratique et progressiste qui aille très au-delà de l’actuelle majorité, vers la droite comme vers la gauche ». Une conviction partagée par Vincent Peillon. Leader du courant « L’espoir à gauche », il avait invité en août 2009 à son université d’été deux représentants du Modem, Marielle de Sarnez et… Jean-Luc Bennahmias, à discuter avec Daniel Cohn-Bendit, Christiane Taubira, Manuel Valls et Robert Hue. Il regrette encore que la main n’ait pas été tendue à François Bayrou en 2012.

« Primaire de la Belle Alliance populaire » (BAP) ? L’appellation a l’apparence de l’exactitude : pour être candidat, il fallait être membre d’une des formations de cette « alliance ». Une condition rappelée pour justifier le rejet des candidatures de MM. -Larrouturou, Faudot et Nadot. C’est d’ailleurs à la suite de ce refus que le fondateur de Nouvelle Donne en a conclu, à raison, que le scrutin n’avait rien d’une « primaire citoyenne ». « La BAP n’a pas d’existence légale », affirme en outre le socialiste Gérard Filoche. Cette figure de la gauche du PS a demandé par voie d’huissier qu’on lui fournisse « les statuts » de la BAP, « la liste de ses dirigeants ainsi que la convention conclue avec les partis qui en sont membres ». En vain. La BAP est bien enregistrée à l’Inpi… mais comme une marque.

Lancée le 13 avril par un appel associant les représentants du PS, du Parti radical de gauche (PRG), du Parti écologiste (scission d’EELV) et de Force démocrate, ces deux micro-partis étant déjà associés dans l’Union des démocrates et écologistes (UDE), la Belle Alliance populaire a tenu début juillet une « assemblée nationale ». Sous son nom ont été organisées cet automne des « universités de l’engagement » dans toutes les régions. Et même une « convention nationale » (fort peu suivie) au début de ce mois. Mais, à toutes ces étapes, la direction du PS était à la manœuvre. Comme elle l’est dans tous les rouages essentiels de cette primaire.

Le Comité national d’organisation des primaires (Cnop) est présidé par Christophe Borgel, secrétaire national en charge du pôle Animation, élection et vie du parti. C’est le Cnop, au sein duquel siègent des représentants de tous les candidats, qui, consulté pour coopter les non-membres de la BAP, a refusé « à l’unanimité » leurs candidatures. C’est aussi le président de la Haute Autorité éthique du PS, Thomas Clay, qui préside la Haute Autorité de la primaire. Treize des seize membres de cette instance ad hoc de juristes, chargée « d’enregistrer et de vérifier les candidatures », de veiller au respect des règles par les candidats et au bon déroulement des débats et du scrutin, sont également membres de la Haute Autorité éthique du PS, les trois autres ayant été proposés par les partis co-organisateurs. Il convient donc de parler d’une primaire organisée par le PS et ses satellites.

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