Comment l’ONU finance Assad

La revue américaine Foreign Affairs accuse certaines officines de l’ONU de naïveté ou de connivences.

Denis Sieffert  • 20 janvier 2017 abonné·es
Comment l’ONU finance Assad
© HO - / FACEBOOK / AFP

Derrière la rhétorique officielle, il se passe parfois de drôles de choses. Dans sa livraison du 11 janvier, la revue Foreign Affairs révèle que sur les quelque 4 milliards de dollars dépensés par l’ONU pour venir en aide aux populations syriennes victimes du conflit, la plus grande partie est allée… au régime de Damas. Le plus souvent par l’intermédiaire de sociétés syriennes présentées comme des organisations non gouvernementales, mais qui appartiennent en réalité à des personnages figurant sur la liste de personnalités sanctionnées par les Etats-Unis et l’Union européenne.

Selon la revue, l’Organisation mondiale de la santé a par exemple versé plusieurs millions de dollars au ministère syrien de la Défense par l’intermédiaire de la Banque nationale du sang, qui dépend directement du ministère qui organisait les bombardements des hôpitaux d’Alep et des populations civiles.

Peut-être plus grave encore, l’organisme des Nations unies qui évalue les besoins humanitaires, cédant à la demande du gouvernement syrien, a accepté d’occulter toute référence au conflit dans sa communication. La distinction entre les zones tenues par le régime et celles tenues par les rebelles est éludée et tout lien entre bombardements et crise humanitaire gommé, au point que la crise syrienne semble résulter d’une catastrophe naturelle.

L’objectif de ce tour de passe-passe est de permettre que les aides qui étaient auparavant acheminées par la Turquie et la Jordanie soient désormais versées directement à Damas. Mais la première conséquence est que le régime a pu en contrôler la redistribution pour récompenser ses soutiens et punir ses opposants. Un programme de 32 millions de dollars consacré au déminage dans les zones transfrontalières a ainsi été retiré par le régime au prétexte « d’illégalité ».

Des ONG ont fini par suivre cette même procédure, ce qui a conduit par exemple le Conseil norvégien pour les réfugiés à s’associer à Syria Trust, présenté comme une ONG, mais dirigée il y a peu encore par Asma Al-Assad, l’épouse du dictateur syrien.

Critiquée pour sa mauvaise gestion des ressources, l’ONU défend « l’efficacité » de sa méthode, mais éprouve, selon la revue, de plus en plus de difficultés à convaincre les donateurs et à rassembler les budgets de ses programmes.

Monde
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

En Guyane, le mastodonte logistique de l’orpaillage illégal
Reportage 26 novembre 2025 abonné·es

En Guyane, le mastodonte logistique de l’orpaillage illégal

Près de 80 % des activités liées à l’extraction illicite de l’or en Guyane se concentrent sur le Haut-Maroni. Depuis la rive surinamienne, les garimpeiros – orpailleurs clandestins – ont édifié un système bien huilé pour exploiter le sol français.
Par Tristan Dereuddre
Orpaillage : le mercure, un poison pour la terre et les humains
Reportage 26 novembre 2025 abonné·es

Orpaillage : le mercure, un poison pour la terre et les humains

En fin de processus d’extraction, les orpailleurs illégaux utilisent de grandes quantités de mercure pour séparer la terre de l’or. Hautement toxique, ce métal lourd contamine non seulement l’environnement mais aussi les peuples du fleuve Maroni.
Par Tristan Dereuddre
« On ne pourra pas vaincre l’orpaillage illégal seulement par la répression »
Entretien 26 novembre 2025 abonné·es

« On ne pourra pas vaincre l’orpaillage illégal seulement par la répression »

Joël Sollier, procureur général de la République en Guyane, décrit l’organisation des réseaux d’orpaillage illégal sur le Haut-Maroni et les moyens à déployer pour une lutte efficace.
Par Tristan Dereuddre
Enfant de la guerre, Mohamed Bagary dénonce l’oubli du Soudan
Portrait 24 novembre 2025 abonné·es

Enfant de la guerre, Mohamed Bagary dénonce l’oubli du Soudan

Enfant d’El-Fasher, ville du Soudan aujourd’hui ravagée par les massacres, le trentenaire vit à distance la perte de son frère, le drame de sa famille et de son peuple. Depuis la France, il s’efforce de faire entendre une tragédie ignorée.
Par Kamélia Ouaïssa