Diesel : une disgrâce en trompe-l’œil

Les particuliers se détournent des modèles au gazole, dont les avantages se réduisent. Mais le problème est loin d’être résolu.

Patrick Piro  • 11 janvier 2017 abonné·es
Diesel : une disgrâce en trompe-l’œil
© GARO/PHANIE/AFP

Il y a quatre ans à peine, avec 73 % du marché, entreprises et particuliers confondus, le diesel régnait sans partage sur les ventes de voitures neuves en France. Fin 2016, cette part est tombée à 52 % ! Une dégringolade qui signe la fin de « l’âge d’or » de cette technologie, selon les analystes.

Curieusement, ce désamour brutal doit peu au « dieselgate ». L’énorme scandale, en 2015, de la triche aux normes d’émissions de CO2 (gaz à effet de serre) et de polluants atmosphériques (particules et oxydes d’azote NOx) n’a que temporairement affecté les ventes des constructeurs impliqués, y compris Volkswagen. En France, les immatriculations ont cru de 5 % en 2016. L’argument sanitaire ? « Il participe à la sensibilisation des particuliers, reconnaît Sébastien Vray, de l’association Respire. Mais la raison principale est économique : les gens redoutent désormais de faire une mauvaise affaire. »

À modèle similaire, un « diesel » coûte plus cher à l’achat qu’une « essence ». Un écart de l’ordre de 1 000 à 3 000 euros, que ces modèles à grande longévité compensent théoriquement en une dizaine d’années, car le gazole est moins taxé que l’essence, d’une vingtaine de centimes par litre, malgré un rattrapage amorcé depuis l’an dernier. Mais, après d’âpres batailles, les constructeurs – dont PSA, champion mondial du diesel – l’ont rendu si progressif que le litre de gazole n’est renchéri que d’un centime en 2017.

L’inquiétude des constructeurs provient en fait de la multiplication d’annonces visant l’interdiction prochaine du diesel dans les villes. La maire de Paris, Anne Hidalgo, a fixé la date à 2020. La ministre de l’Écologie, Ségolène Royal, est favorable à une interdiction -nationale totale (sans date). L’amortissement d’un diesel deviendrait alors très hypothétique, induisant une dégringolade de la cote de ces véhicules sur le marché de la revente, dont ils sont les locomotives. Si bien que, sur le seul segment des ménages, on assiste à un effondrement de l’achat en neuf depuis 2012 : la part de marché est passée de 65 % à 38 % en 2016 [^1]. Les acheteurs qui s’y accrochent encore sont les entreprises, dont les flottes sont « diesel » à plus de 95 %. Fleur supplémentaire, elles récupèrent la TVA sur le gazole ! « Mais, à partir de 2017, ce privilège sera accessible à l’essence [^2], relève Lorelei Limousin, du Réseau Action Climat-France. La niche fiscale favorable à la route s’élargit hélas, mais l’attractivité du gazole se dégrade. »

Le recul pourrait cependant être beaucoup plus rapide, s’agace Stephen Kerckhove, d’Agir pour l’environnement. « Il suffirait que le gouvernement se donne dix ans pour tourner la page pour que s’enclenche un mouvement décisif ! » Car les deux tiers du parc actuel (plus de 25 millions de véhicules) roulent au gazole…

Et attention au trompe-l’œil, souligne Lorelei Limousin : « Les ventes se reportent sur les moteurs à essence, et surtout vers les “crossovers” qui s’y convertissent ! » Les particuliers se sont entichés de ces avatars du 4×4, terme repoussoir abandonné par les commerciaux. En 2016, crossovers, sport utility vehicles (SUV), sport activity vehicles (SAV) ont capté 28 % des ventes, 2 points de plus qu’en 2015. Plus lourds et moins aérodynamiques que les modèles classiques, ils consomment davantage : c’est plus de CO2, mais aussi… de particules fines, en raison de la généralisation de l’injection directe ! « L’essence, prochain scandale automobile ? », interroge l’ONG européenne Transport & Environment.

[^1] Les Échos, 28 décembre 2016.

[^2] Progressivement,
et jusqu’à 80 % d’ici cinq à six ans.

Écologie
Publié dans le dossier
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