Le BAAM interpelle les politiques sur les migrants

Le Bureau d’accueil et d’accompagnement des migrants organisait mercredi un « happening » au cours duquel l’association proposait 50 propositions aux politiques. L’artiste Pierre Delavie y exposait aussi une œuvre éphémère, « le Radeau de Lampedusa ».

Hugo Boursier  • 12 janvier 2017 abonné·es
Le BAAM interpelle les politiques sur les migrants
© « le Radeau de Lampedusa » - Pierre Delavie (photo Hugo Boursier)

« On est parti sur 50 mais on pouvait en faire 100 », lance Héloïse Mary, la présidente du Bureau d’Accueil et d’Accompagnement des Migrants (BAAM), fondé en novembre 2015. Partant de la place du Châtelet à Paris, le rassemblement se dirige ensuite sur les quais de Seine. Devant les fenêtres de l’Hôtel de ville, Pierre Delavie dévoile alors son installation : une affiche longue d’une vingtaine de mètres, où l’on peut voir le naufrage d’un bateau de migrants.

« C’est un naufrage à Lampedusa », indique l’artiste, qui veut « susciter une prise de conscience ». Une œuvre qui prend, malheureusement, tout son sens, puisqu’un jeune homme, désespéré par les conditions de vie à Paris, s’est jeté dans la Seine lundi 9 janvier. Il a été retrouvé mort en début de semaine.

« Des propositions éminemment concrètes »

«Les politiques européennes, le droit à la protection, les droits sociaux, l’hébergement, la santé, la culture et la formation à l’emploi»: sept chapitres sensés, s’ils sont écoutés, faire « bouger les lignes » comme l’annonçait l’événement Facebook.

Le 7 janvier, Médecin Sans Frontière dénonçait « le harcèlement et la violence systématique des policiers » à l’encontre des migrants qui errent dans la capitale. Seulement trois jours après, lundi 9 janvier, des forces de police et le service de propreté de Paris sont intervenus à minuit sur la halle Pajol, dans le XVIIIème arrondissement de la capitale. Ils n’avaient pas été reçus au camp humanitaire de la porte de La Chapelle. Bilan : des migrants isolés, dont des femmes et des enfants, ont été chargés, matraqués et ont reçu des gaz lacrymogènes.

Le BAAM rappelle à la maire de Paris, Anne Hidalgo (PS), sa promesse d’un « accueil inconditionnel » des migrants au camp humanitaire. Le collectif demande ainsi le « respect du droit au logement inconditionnel pour les demandeurs d’asile, les statutaires et les déboutés ».

Décidées collectivement, ces 50 propositions sont destinées aux politiques. Elles restent aussi « un instrument d’interpellation, et une base de travail pour les collectifs » rappelle Hélène Mary, la président du BAAM. Des propositions « éminemment concrètes, qui viennent du terrain, et qui sont essentielles aux migrants ». Par exemple, la « traduction de tous les documents fournis par l’administration », ou bien la « fourniture de couches, de lait maternel, de jouets pour les enfants dans les centres d’hébergement ».

La France doit respecter ses engagements

Après le procès de Pierre-Henri Mannoni, relaxé en première instance mais le parquet a fait appel, et celui de Cédric Herrou, qui risque une peine de six mois de prison avec sursis, la présidente de l’association conclut : « Les migrants sont criminalisés, leurs soutiens aussi ». Une criminalisation alors que la France a signé les accords de Genève de 1951, qui donne des droits essentiels aux réfugiés.

Héloïse Mary n’est pas sans rappeler la présence de la France dans les pays signataires de la Convention relative aux Droits de l’Enfant de 1990. Un document qui rappelle que l’enfant doit être élevé « dans un esprit de paix, de dignité, de tolérance, de liberté, d’égalité et de solidarité ». Pourtant, « 80% d’entre eux sont rejetés par le Dispositif d’évaluation pour les mineurs étrangers à Paris (DEMI) et dorment donc dans la rue », rappelle avec indignation la présidente. Certains même sont « pris dans des réseaux de prostitution ». Dans ce cas, ils sont « vendus dans d’autres pays de l’Europe, et on les perd de vue », ajoute-t- elle.

Le collectif exige aussi « le retrait de la circulaire Dublin III ». Ces accords obligent le pays qui a pris les empreintes d’un migrant à gérer sa demande d’asile. Il a déjà été critiqué par les pays du Sud, comme la Grèce ou l’Italie, qui de par leur position géographique, se retrouvaient seuls à traiter les demandes d’asile. Héloïse Mary dénonce le manque de responsabilité des États du Nord, qui « organisent des déportations », et surtout une mesure dangereuse. Elle donne le cas d’un homme, qui, transféré de France en Italie selon la circulaire Dublin, a été ramené au Soudan. Il est mort dès sa sortie de l’aéroport de Khartoum, égorgé. « Tout est fait pour pousser les gens dehors », soupire la présidente, juriste de formation, spécialisée dans le droit des étrangers et le droit des femmes.

La Culture concernée

« C’est malheureux que ce soit la droite et l’extrême droite qui s’occupent de cette question. A force d’avoir peur de l’extrême droite, la gauche mène une politique de droite. »

Virginie Menet, responsable du nouveau pôle culturel du BAAM, demande aussi un soutien de la part des établissements. Certains organisent déjà des évènements militants, comme le Café de la Presse qui donnait à voir le 18 septembre des dessins, des peintures et un concert réalisés par des bénévoles et des migrants. Le Cent Quatre propose quant à lui des entrées à prix solidaire (1 euro l’exposition). Autre revendication, la « multiplication de co-créations culturelles », comme c’est le cas au Centre Culturel Barbara à Paris, qui accueillera des musiciens. Un accueil digne de ce nom, et un croisement des cultures, voilà ce que demande le BAAM, surtout dans une année électorale. Et la présidente de rajouter :

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