Le revenu de base au prisme de l’égalité

Un net relèvement du RSA coûterait dix fois moins que le revenu universel.

Jean Gadrey  • 11 janvier 2017 abonné·es
Le revenu de base au prisme de l’égalité
© GERARD BOTTINO / Citizenside / AFP

Parmi les critères permettant aux citoyennes et aux citoyens de faire des choix électoraux, on devrait accorder une priorité à celui-ci : quels sont les candidats, mouvements et programmes qui sont les plus crédibles et les plus engagés en faveur de l’égalité, définie comme l’égalité des droits à vivre bien sur une planète préservée ? Cela implique certes une forte réduction des inégalités économiques de revenu et de patrimoine, mais aussi d’autres droits universels à conforter ou à conquérir : le droit au travail, à un emploi décent et à une bonne protection sociale, l’égalité entre les femmes et les hommes dans les sphères professionnelles, domestiques et politiques, le droit de tous à participer aux décisions politiques dans une démocratie renouvelée et permanente, la préservation d’une planète vivable (les « droits de la Terre ») afin de conjuguer aussi l’égalité au futur, etc.

Or, dans tous ces domaines, les deux derniers quinquennats ont vu beaucoup de reculs et très peu d’avancées. Selon l’Observatoire des inégalités (20 décembre 2016), on compte 1,2 million de pauvres de plus en dix ans (avec le seuil de pauvreté à 60 % du revenu médian), et « les écarts de revenus entre les plus pauvres et les plus riches continuent d’augmenter » (15 décembre). Manifestement, le critère de l’égalité n’a pas été au cœur des politiques suivies…

Prenons un exemple d’application de ce critère pour évaluer les projets politiques actuels de revenu universel ou revenu de base, en se limitant à leurs variantes de gauche. Est-ce que le fait de verser la même somme aux pauvres et aux riches réduit les écarts absolus de revenu ? Évidemment non. Ce qui peut les réduire est ailleurs, par exemple dans une fiscalité plus progressive ou dans des normes salariales plus justes. Est-ce que le revenu de base peut être un atout pour surmonter la crise écologique ? On ne voit guère comment. Et pour réduire les inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes ? Pas plus, il pourrait même inciter une partie des femmes à se retirer du marché du travail. Peut-il améliorer la protection sociale universelle ? Oui, s’il est d’un montant suffisant et s’il n’est pas financé en « pompant » sur la protection actuelle, mais il exigerait alors des dépenses publiques vertigineuses et une augmentation des impôts directs et indirects d’au moins 50 %.

L’évaluation n’est donc pas fameuse, mais on peut la poursuivre : peut-on retenir des éléments voisins des projets de revenu de base et qui seraient bons pour l’égalité ? Sans aucun doute. Entre autres, un net relèvement des minima sociaux, dont le RSA, une quasi-automaticité du versement du RSA afin de réduire fortement le non-recours, et un RSA-jeunes (ou une allocation décente) à partir de 18 ans. Cela coûterait dix fois moins que le revenu universel généralisé, en laissant des ressources pour les indispensables investissements de la transition écologique et sociale.

Quoi qu’il en soit de cet exemple, c’est d’abord aux mouvements citoyens qu’il appartient de porter l’exigence de l’égalité, avant comme après les échéances électorales.

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

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