« Darius » : Tous les parfums du monde

Jean-Benoît Patricot raconte dans Darius l’histoire d’un enfant immobilisé par la maladie que sa mère emmène dans des voyages olfactifs.

Gilles Costaz  • 8 février 2017 abonné·es
« Darius » : Tous les parfums du monde
© Photo : Bernard Richebé

Écrivain passé tardivement au théâtre, Jean-Benoît Patricot a vu deux de ses pièces représentées en 2015 et en 2016, tandis qu’on annonce la publication prochaine de trois nouveaux textes ! Rien de suspect là-dedans : la première œuvre, PompierS, créée l’été dernier dans le off d’Avignon, était bouleversante. Jouée par Camille Carraz et William Mesguich, dans une mise en scène de Serge Barbuscia, elle traite de la douleur d’une femme après un viol collectif. C’est un admirable texte en forme de blessure.

Le texte suivant ou concomitant (car il a aussi été créé dans le off l’été passé), Darius, est à présent donné à Paris dans le circuit privé, mis en scène par Anne Bouvier et interprété par Clémentine Célarié et Pierre Cassignard.

L’écriture de Darius est sensiblement différente de celle de PompierS. Mais il s’agit encore et toujours d’évoquer la souffrance et sa possible guérison. Un enfant, Darius, a été totalement immobilisé par la maladie. Il aimait les voyages, il ne peut plus bouger. Sa mère a l’idée de lui restituer la sensation des déplacements à travers le monde grâce aux parfums. Elle contacte un créateur de fragrances et lui demande d’inventer, semaine après semaine, des compositions olfactives qui donneront au jeune garçon la sensation de vivre dans tel ou tel territoire.

L’artiste des parfums se prête au jeu. Il trouve l’alchimie de senteurs qui donnent l’impression de respirer l’air de Rome ou de New York. L’enfant va aimer ces voyages fictifs suscités par l’odorat. Et la vie de chacun sera transformée par cette étrange tentative de sauvetage d’un être malheureux, par la complicité qui se forme nécessairement entre la mère et l’artisan.

Darius, à la différence de PompierS, se grise un peu de sa joliesse et de l’originalité de son sujet. Il y a un brin de préciosité, un goût trop évident de l’acrobatie des situations, dans ce dialogue auquel Pierre Cassignard, tendre et fort à la fois, et Clémentine Célarié, douce et songeuse, donnent un juste équilibre dans la proximité et l’éloignement. Car c’est une pièce purement épistolaire que la mise en scène transforme en un frôlement à la sensualité suspendue.

Les effets de lumière et de déplacements ne semblent pas toujours utiles, mais ils permettent d’adapter ce jeu intime à une scène assez vaste. Les volutes, les trouvailles de l’écrivain, saisies dans toutes leurs nuances par les interprètes, procurent un plaisir proche de celui des parfums lourds ou légers. Un plaisir grisant mais qui peut aussi être volatil.

Darius, théâtre des Mathurins, Paris, 01 42 65 90 00. Texte aux éditions Riveneuve/Archimbaud.

Théâtre
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