Bedos, le rieur indigné

Dans son journal de campagne, l’humoriste se livre à son exercice favori : la revue de presse.

Denis Sieffert  • 29 mars 2017 abonné·es
Bedos, le rieur indigné
© photo : bertrand GUAY / AFP

Pendant combien d’années Guy Bedos a-t-il pratiqué sur scène ce sport qui n’appartenait qu’à lui : le running politique ? Nous l’avons vu si souvent tourner en rond en commentant fiévreusement l’actualité, décochant ses flèches de gauche à droite, et parfois de gauche à gauche. Aujourd’hui, l’exercice est moins sportif, mais la « revue de presse » qu’il publie chez Fayard n’a rien perdu de sa causticité inquiète. On retrouve sa scansion vacharde, et on imagine sans peine ses yeux se plisser d’ironie quand il en balance une bonne, sévère mais juste. De ces saillies qui font du bien.

Petit florilège. Printemps 2016 : « Hollande y croit encore. Il faut bien que quelqu’un se dévoue. » Ou, tout simplement : « Valls-Sarkozy : le même. » Ou bien, cocus de la gauche, « nous sommes toutes et tous des Valérie Trierweiler ». C’est bref mais efficace. Et, comme dirait Fillon, c’est assassin. Ou encore : « Marine Le Pen a abandonné les juifs à son père. » Sous-entendu, pour mieux se payer les musulmans. Égrenant les affaires : « Comment voulez-vous, après tant de turpitudes étalées, vendre l’État de droit à des jeunes des cités ou à des Corses ? »

Bedos nous offre un rire acide comme une revanche sur notre impuissance à changer le monde. Il y a des indignés qui pleurent de rage, d’autres qui hurlent de colère. Bedos est un indigné qui rit. Souvent de dépit. Mais il n’est pas un forçat de l’humour. Comme dans ce presque mot de la fin : « Trump, Le Pen, Fillon, tous trois attachés à Poutine […]. J’ai mal au monde. » Il nous livre parfois ses indignations sans effets ni sourires, quand il parle des immigrés ou des sans-logis.

Et puis, nous autres, nous ne sommes pas insensibles à son amour de la presse et des journaux (il a même des mots aimables pour Politis). Aimer les journaux, c’est déjà aimer les autres.

À l’heure où noircit la campagne, Fayard, 155 p., 16 euros.

Littérature
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