Le « vrai visage » du FN au Parlement européen

Dans un essai publié par la fondation Jean-Jaurès, l’eurodéputée socialiste Pervenche Berès étudie les prises de position et les votes des élus frontistes à l’assemblée de Strasbourg.

Malika Butzbach  • 20 mars 2017 abonné·es
Le « vrai visage » du FN au Parlement européen
© photo : PATRICK HERTZOG / AFP

C ‘est frappant de voir comment, à Strasbourg, leurs prises de position les mettent en contradiction avec leurs discours. » Cette phrase résume à elle seule le propos de Pervenche Berès dans son essai Son vrai visage. Témoignage sur le FN au Parlement européen. Un livre qui tombe à pic alors que deux assistants parlementaires du parti sont mis en examen dans les cadre de l’enquête sur les emplois présumés fictifs.

Bloquer le Parlement européen

Au lendemain des élections européennes, alors que 24 élus frontistes entrent en force dans l’Hémicycle, Marine Le Pen, forte de ses 25 %, annonce sa volonté de détruire l’Europe de l’intérieur. Les eurodéputés du parti d’extrême droite ont opté pour une stratégie de blocage, selon Pervenche Berès. L’ancienne présidente de la délégation socialiste au Parlement européen affirme que « leur action consiste pour l’essentiel à faire acte de présence » et à déposer « des milliers de questions écrites et des propositions de résolution à la portée nulle ». C’est le cas de Dominique Bilde qui, depuis août 2014, a déposé 275 questions. Des questions qui se montent en frais de traitement à 1,5 million d’euros pour l’institution.

Abstention pour le renforcement des frontières

Pour ce qui est de ses sujets phares, comme les frontières et l’immigration, certaines prises de position du FN interpellent. Alors que le parti clame que « l’Europe est une passoire », « ils oublient de mentionner que, dans les accords de Schengen, le rétablissement temporaire des frontières est possible et que la France a utilisé cette possibilité à partir du 13 novembre 2015 », pointe l’auteure. Le Front national a aussi « oublié » de voter pour le renforcement des frontières extérieures de Schengen : Lors de la séance du vote, en février 2017, « Marine Le Pen était absente, ses collègues frontistes se sont abstenus, sauf Gilles Lebreton qui a voté contre cette résolution », note Pervenche Berès.

De même, après les attentats de Paris, les eurodéputés FN se sont opposés à la directive proposant l’interdiction des armes semi-automatiques.

Une politique économique ambigüe

Le Front national appelle à la fin de la directive sur les travailleurs détachés – et, au conseil régional d’Île-de-France, il a voté en faveur de la clause Molière. Mais, souligne Pervenche Berès, « Marine Le Pen rejette la modernisation et les améliorations de cette directive, qui n’ont d’autre objectif que de mieux protéger les travailleurs. Elle s’est abstenue en 2014 lors de l’adoption d’une directive d’exécution visant à corriger plusieurs failles constatées. »

Alors qu’en commission de l’industrie, une résolution pour des solutions de lutte contre la désindustrialisation est proposée après les fermetures de l’usine Caterpillar en Belgique et Alstom à Belfort, l’eurodéputée socialiste précise que, à l’exception de Florian Philippot, les élus FN ont voté contre.

Féminisme de façade

« À écouter Dominique Martin en commission emploi, il faudrait cantonner les femmes au foyer », note Mme Berès. Depuis 2014, Marine Le Pen et les autres élus frontistes ont voté contre les huit rapports présentés au Parlement européen dans l’optique de renforcer les droits des femmes. Donc, le congé maternité à 20 semaines dans toute l’Union et un salaire égal à compétences égales, c’est non. « Heureusement qu’il y a des candidates comme moi pour défendre les droits des femmes », avait pourtant affirmé la présidente du Front national lors de son passage à « L’Émission politique » du 9 février sur France 2.

Son vrai visage. Témoignage sur le FN au Parlement européen de Pervenche Berès, 104 pages, 6 euros.

Politique
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