Nuit debout : « Un acte d’insoumission radical »
S’il n’a pas entraîné de changements institutionnels, Nuit debout a représenté une expérience politique intense, selon Patrice Maniglier.
dans l’hebdo N° 1447 Acheter ce numéro

Philosophe et membre du comité de rédaction de la revue Les Temps modernes, Patrice Maniglier a coordonné un numéro consacré à Nuit debout en novembre 2016. Un recueil de témoignages rédigés par des acteurs du mouvement. Des réflexions poussées qui font ressortir l’intérêt de Nuit debout, sa caractéristique d’autocritique immédiate, sa capacité d’écoute, sa volonté de trouver des réponses à des problèmes et d’imaginer des solutions. On y retrouve certains questionnements phares comme le lien avec le mouvement des places et la « démocratie sauvage » (Arthur Guichoux) ou Mai 68 (Maria Kakogianni), la convergence et la dissémination des luttes (Marco Assennato), le sens de l’occupation (Camille Zéhenne) ou la constitution d’une force politique (Michel Kokoreff). Force que Patrice Maniglier aurait rêvée plus massive pour pouvoir déclencher une crise politique. Il s’en s’explique dans texte où il question d’échec, mais aussi d’une joie pas si fréquente.
Votre expérience au sein de la commission démocratie de Nuit debout critique son fonctionnement en deux cercles en marge de l’Assemblée sur la place. Vos observations peuvent-elle s’étendre aux autres commissions ?
Le problème de la prise de décision s’est posé dans d’autres commissions. Comment construire de la durée sur une place ? Comment inscrire une temporalité cumulative dans un contexte où n’importe quel passant est censé avoir la même voix au chapitre que les gens là depuis longtemps ? Comment maintenir une organisation ouverte à sa propre transformation ? L’intuition de Nuit debout, c’était l’inverse du « Que nul n’entre ici s’il n’est géomètre » de Platon : tout le monde pouvait venir. Avec, dès le départ une équivocité de l’identité : on ne savait de quoi ni de qui le mouvement était fait. Nuit debout, c’est une manifestation qui a arrêté son flux pour discuter. Pour certains, l’indétermination des désirs s’est résolue en : « On va refonder la constitution, redéterminer un corps politique ». C’est un peu un tort selon moi, car les processus constituants ne fonctionnent pas comme ça juridiquement. Surtout, cela donnait le sentiment que les gens présents