Vision de Nuit pour la gauche

Le citoyen – l’essence du mouvement – se retrouve dans les programmes, du NPA au PS en passant par la France insoumise.

Vanina Delmas  • 29 mars 2017 abonné·es
Vision de Nuit pour la gauche
© photo : Geoffroy Van der Hasselt / AFP

Au printemps dernier, l’échéance présidentielle de 2017 semblait encore lointaine. Et le mouvement de protestation contre la loi travail « et son monde », pérennisé par Nuit debout, n’avait aucune vocation électorale. Ce positionnement, qui a laissé plus d’un commentateur perplexe, a pris de cours certains politiques mais en a intéressé d’autres. Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, Olivier Besancenot, ancien candidat à la présidentielle pour le NPA, les députés Pouria Amirshahi ou Jean Lassalle, Julien Bayou, porte-parole d’EELV et conseiller régional d’Île-de-France, Jean-Luc Mélenchon… Ils y ont tous mis un pied – ou deux.

Ainsi, le candidat de la France insoumise a salué l’initiative « formidable » dès le mois d’avril. « Nuit debout a été une entrée dans la réflexion politique pour beaucoup de monde, une première expérience pour beaucoup de jeunes. Il se produit le même phénomène avec la France insoumise », analyse Éric Coquerel, conseiller régional d’Île-de-France et porte-parole du Parti de gauche. La critique radicale de la Ve République ainsi que cet élan à repenser la société dans sa globalité grâce à des questionnements sur la démocratie, couplés à une mobilisation économique et sociale, sont des thèmes développés par Nuit debout que l’on retrouve dans « L’avenir en commun », programme de la France insoumise.

Du côté du NPA, on avance la même volonté de « mettre à bas la Ve République » et de venir à bout de cette « caricature de démocratie ». « L’ensemble du mouvement contre la loi travail était une bonne nouvelle pour les militants du NPA, commente Philippe Poutou, candidat à l’élection présidentielle. Même si on a vu les limites d’un tel mouvement, cette envie de résister ensemble, malgré les différentes approches, et la convergence des luttes étaient plutôt rassurantes. » Cette « résistance par le bas » et dans la rue est inscrite dans l’ADN du NPA tout comme elle entre dans les ambitions de la France insoumise.

Benoît Hamon, quant à lui, affiche dans son programme l’ambition de donner du -pouvoir aux citoyens. Il s’est notamment entouré de la philosophe Sandra Laugier, proche de Nuit debout, et du duo Elisa Lewis et Romain Slitine, responsables du « pôle citoyens » de la campagne du candidat socialiste. Leur ouvrage, Le Coup d’État citoyen [1], dans lequel ils recensent les innovations politiques réinventant la démocratie, a été un déclencheur. « Avec Nuit debout, c’est la première fois en France qu’un mouvement interroge de manière aussi forte la démocratie représentative, explique Romain Slitine, maître de conférences à Science Po Paris. Il faut réfléchir aux façons de passer de la démocratie de l’inertie à celle de l’action. »

Benoît Hamon propose le 49.3 citoyen, qui permettrait à 1 % du collège électoral français de bloquer la promulgation d’un texte et d’organiser un référendum sur le sujet. Et il a établi des conseils citoyens, où une quarantaine de volontaires tirés au sort réfléchissent à des suggestions pour enrichir le programme du celui qui veut « faire battre le cœur de la France ».

«Nous voulons également prouver que les citoyens peuvent avoir un vrai rôle au niveau d’une campagne présidentielle, précise Romain Slitine. Cela s’inscrit dans un discours plus large mais qui s’est cristallisé à Nuit debout. Ce n’est que la partie émergée de cette transition démocratique qui est la seule voie d’espoir et d’avenir. »

Néanmoins, la méfiance à l’égard des partis politiques quels qu’ils soient, leitmotiv des Nuit-deboutistes, demeure. « Je ne considère pas la France insoumise comme la continuité de Nuit debout, précise Éric Coquerel. Une partie de ce mouvement a été une énergie propulsive qui nous a sûrement bénéficié, mais nos propositions, notamment celle concernant l’assemblée constituante, étaient antérieures à Nuit debout. Ce qui s’est passé sur les places publiques leur a seulement donné un peu plus de légitimité. » Avec l’espoir que cela se traduise dans les urnes, mais aussi dans l’implication citoyenne et politique pour redessiner le champ politique, en vue des élections législatives et, surtout, des municipales de 2020.

[1] Le Coup d’État citoyen. Ces initiatives qui réinventent la démocratie, Elisa Lewis et Roman Slitine, La Découverte, 2016.

À lire aussi >> Retrouvez tous les articles de notre dossier « Nuit debout un an après » ici

Société Politique
Publié dans le dossier
Nuit debout : Un an après
Temps de lecture : 4 minutes

Pour aller plus loin…

« La plupart des milliardaires français penchent vers la droite voire l’extrême droite »
La Midinale 19 juin 2025

« La plupart des milliardaires français penchent vers la droite voire l’extrême droite »

Olivier Legrain, fondateur de la Maison des médias libres, auteur de Sauver l’information de l’emprise des milliardaires aux éditions Payot, est l’invité de « La Midinale ».
Par Pablo Pillaud-Vivien
Interpellations de sans-papiers : une « opération de communication » et « un racisme d’État »
Entretien 18 juin 2025 abonné·es

Interpellations de sans-papiers : une « opération de communication » et « un racisme d’État »

Bruno Retailleau a annoncé une vaste opération de contrôle des personnes sans-papiers, jeudi 18 et vendredi 19 juin, pour « lutter contre l’immigration ». Entretien avec Denis Godard, cofondateur de la Marche des solidarités, qui appelle à la mobilisation.
Par Paul Hetté
Réduire les dépenses, c’est renoncer à faire de la politique
Parti Pris 17 juin 2025

Réduire les dépenses, c’est renoncer à faire de la politique

Les politiques s’enchaînent et se ressemblent, focalisées sur la seule question comptable, budgétaire. Avec pour seule équation : réduire les dépenses. Mais faire de la politique, ça n’est pas ça.
Par Pierre Jacquemain
À Nancy, les socialistes règlent encore leurs comptes sur le cas insoumis
Politique 16 juin 2025 abonné·es

À Nancy, les socialistes règlent encore leurs comptes sur le cas insoumis

Réunies pendant trois jours, les trois orientations du parti au poing et à la rose se sont déchirées sur la question de l’alliance avec La France insoumise. Le sujet, latent depuis 2022, n’est toujours pas réglé. Et le congrès de ce parti coupé en deux semble n’avoir servi à rien.
Par Lucas Sarafian