Les mauvais comptes de la retraite

La retraite par compte notionnel, gâteau empoisonné macronien.

Jean-Marie Harribey  • 12 avril 2017 abonné·es
Les mauvais comptes de la retraite
© photo : GEORGES GOBET / AFP

Le jeune Macron s’occupe des futurs vieux. Il leur promet un avenir radieux, car universel et égalitaire. Et simple à comprendre : « Un euro de cotisation donnera le même droit à pension pour tous. » Fini les interminables discussions sur l’âge de départ en retraite ou la durée de cotisation. Fini les différences entre régimes. Encore plus fort que la retraite par points, le compte « notionnel » résout tous les problèmes démographiques ou économiques de financement des retraites. Telle est la litanie d’inepties proférées par ceux qui veulent accomplir (enfin !) une réforme « structurelle » des retraites.

De quoi s’agit-il ? On ouvre un compte virtuel (c’est pour cela qu’il est dit « notionnel ») à chaque salarié. Ce compte n’est pas financier : aucun titre n’est acheté, rien n’est placé sur les marchés. On enregistre le montant des cotisations du salarié. Le montant de la pension sera alors égal à ce capital virtuel actualisé divisé par un coefficient dépendant de l’espérance de vie de la génération à laquelle appartient le salarié au moment où il part à la retraite et du taux moyen de progression du revenu par tête. On applique le principe de la « neutralité actuarielle », selon lequel le total des sommes perçues pendant tout le temps de retraite est le même, quel que soit l’âge de départ. Bien que les cotisations servent toujours à payer les pensions du moment, le système par répartition devient une fiction. On substitue la notion de salaire différé à celle de salaire socialisé en consacrant la contributivité individuelle stricte, qui élimine toute redistribution, aussi mince soit-elle.

Le salarié décide ainsi de partir à la retraite quand il veut : quoi de plus juste en apparence puisque son capital virtuel de cotisations dépend de l’espérance de vie ? Mais, au sein d’une même génération, au moment de partir à la retraite, les différences d’espérance de vie sont très grandes entre les catégories socio-professionnelles. Six ans de plus pour un cadre que pour un ouvrier. Et les femmes, vivant plus longtemps, auront des pensions au rabais. En outre, pour avoir un niveau de pension plus élevé, que sera tenté de faire quelqu’un qui a travaillé dur pour un salaire bas ? Travailler le plus longtemps possible. Ce sera pour lui la double peine : mauvaises conditions de travail, salaire bas en activité, pension faible et durée de vie raccourcie à la retraite. Cerise sur le gâteau empoisonné macronien : le projet de supprimer le compte pénibilité, qui procure des droits pour partir plus tôt à la retraite.

La supercherie de ce système par comptes notionnels est à son comble quand ses promoteurs affirment qu’il permet de faire face à l’évolution démographique ou à une récession économique. Or, le vieillissement de la population est un problème auquel tous les systèmes de retraite sont confrontés puisque les pensions proviennent du travail des actifs. De plus, dans les pays où ce système est en place (Suède, Italie), les pensions ont été revues à la baisse quand la crise a éclaté, car le coefficient divisant le capital virtuel intègre un facteur lié au taux de croissance économique. Ainsi, tout est pensé pour universaliser le recul social.

Jean-Marie Harribey Membre du conseil scientifique d’Attac

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

Temps de lecture : 3 minutes

Pour aller plus loin…

Loi Duplomb : comment le gouvernement éteint les voix paysannes
Décryptage 30 juin 2025 abonné·es

Loi Duplomb : comment le gouvernement éteint les voix paysannes



La « loi Duplomb » est discutée en commission mixte paritaire à partir de ce lundi 30 juin. Le texte ne bénéficiera qu’à une poignée de gros agriculteurs et invisibilise celles et ceux qui défendent une agriculture paysanne et vertueuse.
Par Vanina Delmas
« Pour battre l’extrême droite, le réalisme, c’est encore et toujours se battre pour l’union »
La Midinale 25 juin 2025

« Pour battre l’extrême droite, le réalisme, c’est encore et toujours se battre pour l’union »

Alexis Corbière, député de Seine-Saint-Denis, cofondateur de l’Après qui tenait son congrès constituant ce week-end, est l’invité de « La Midinale ».
Par Pablo Pillaud-Vivien
Immigration, wokisme, dépenses publiques… Les obsessions de l’extrême droite au Sommet des libertés
Reportage 25 juin 2025

Immigration, wokisme, dépenses publiques… Les obsessions de l’extrême droite au Sommet des libertés

Mardi 24 juin, dans une ambiance de meeting politique qui ne s’assume pas, le « Sommet des Libertés » a réuni des têtes d’affiche de l’extrême droite française, de Jordan Bardella à Sarah Knafo, sous l’impulsion des milliardaires ultra-libéraux, Bolloré et Stérin.
Par Thomas Lefèvre
Un parfum fiscal d’Ancien Régime
Chronique 25 juin 2025

Un parfum fiscal d’Ancien Régime

Alors que la Révolution projetait de faire participer chaque citoyen à la solidarité nationale selon sa faculté contributive, les « premiers de cordée » ne veulent aujourd’hui plus payer pour leurs « sherpas ». Pour les gauches appelées à s’unir, la réforme fiscale sera la mère des batailles.
Par Liêm Hoang-Ngoc