Télé : « Je ne suis pas votre nègre »

À partir de l’œuvre de James Baldwin, Raoul Peck signe un documentaire remarquable sur la violence raciale, diffusé mardi 25 avril sur Arte en attendant une sortie en salle.

Jean-Claude Renard  • 25 avril 2017 abonné·es
Télé : « Je ne suis pas votre nègre »
© Photo : Arte

Né en 1924, enfant de Harlem, James Baldwin a quitté les États-Unis pour Paris dans sa vingtaine d’années. « Il savait que s’il demeurait dans une Amérique raciste, cela finirait mal pour lui, observe le réalisateur Raoul Peck. Il est ensuite revenu et s’est engagé dans le combat pour les droits civiques. Auteur à succès de nombreux romans ou essais, il est devenu un des porte-parole de la cause noire. »

C’est cette personnalité qui a inspiré Raoul Peck (L’École du pouvoir ; Lumumba), puisant dans ses textes la matière de ce documentaire, notamment dans le manuscrit inachevé de Baldwin (quand il disparaît, en 1987), d’une trentaine de pages de notes, relatant les vies et les assassinats de trois de ses amis. Martin Luther King, Malcom X et Medgar Evers, membre de la National Association for the Advancement of Colored People (NAACP). Aucun n’a vécu au-delà de 40 ans.

Un documentaire nourri de morceaux musicaux, de blues, de bribes de Ray Charles et Bob Dylan, de nombreux extraits de films (The Monster Walks ; La Case de l’oncle Tom ; La Chaîne ; Pique-nique en pyjama ; Ariane – des films aux héros toujours blancs), illustré aussi de photographies et d’archives en noir et blanc et en couleurs. Le film rapporte donc les trois assassinats, mais aussi les années sanglantes de lutte pour les droits civiques, la violence exercée contre les Noirs, le boycott des bus de Montgomery, (Alabama) en 1955, ou encore les ségrégations en Caroline du Nord, dans ces mêmes années.

« Le Blanc est une métaphore du pouvoir »

Peck y ajoute nombre d’entretiens et d’extraits de conférences de Baldwin, comme ce débat à Cambridge, dans lequel il revient sur Gary Cooper tuant des Indiens. « Les Indiens, c’est vous », observe l’écrivain, s’adressant aux Noirs. C’est aussi dans ce même débat que Baldwin évoquait la prédiction de Kennedy de voir dans les quarante prochaines années un Président noir à la tête des États-Unis… Il n’empêche, « l’histoire des Noirs en Amérique, c’est l’histoire de l’Amérique. Et ce n’est pas une belle histoire », constatait Baldwin. C’est une histoire où « le Blanc est une métaphore du pouvoir ».

Singulière actualité que réactive le réalisateur dans ce réquisitoire exceptionnel, en ajoutant des événements récents, rappelant le nom des victimes du racisme, entre lynchages et crimes gratuits ces dernières années. « Les mots de Baldwin, malheureusement, parlent de ce que nous vivons aujourd’hui, confie le documentariste à Arte, non seulement outre-Atlantique, mais aussi en Europe, comme en témoigne le regard dirigé vers les étrangers sur ce continent, pourtant nourri d’immigration. »

Je ne suis pas votre noir, mardi 25 avril, à 20h50, sur Arte (1h26), également sur Arte +7. Sortie en salle le 10 mai.

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