Copi et son double féminin

Pierre Maillet met en scène la meilleure interprète de l’auteur argentin, Marilú Marini.

Gilles Costaz  • 17 mai 2017 abonné·es
Copi et son double féminin
© photo : Tristan Jeanne-Valès

Y a-t-il un rire spécifiquement argentin ? Alfredo Arias le circonscrit comme « un humour du presque rien ». Mais cette définition ne saurait suffire. C’est un décalage insolent qui prend les bonnes manières et les bonnes mœurs à contre-pied.

En dehors des metteurs en scène Arias et Lavelli, c’est Copi qui incarne le mieux cette irrévérence désenchantée, ainsi que l’actrice Marilú Marini. Copi nous a quittés en 1987, mais Marini est toujours l’une des grandes comédiennes argentines de Paris. Elle joue au Rond-Point puis en tournée La Journée d’une rêveuse (et autres moments…), qui, à l’instigation du metteur en scène Pierre Maillet, entremêle deux textes de Copi, ce monologue d’une songeuse perplexe et un récit autobiographique inédit, Rio de la Plata.

Que faire quand on n’a aucun plaisir à faire son ménage et sa lessive ? On délire. C’est ce que fait cette femme qui réplique vertement aux certitudes que lui assènent les gens de passage, et lance ce précepte imparable : « Il faut courir à travers la vie pour arriver à mourir au même temps que l’on meurt. » Comme le soliloque est entrelardé de propos laissés par Copi sur son père, sur son travail de dessinateur, sur ce qui distingue Buenos Aires de Paris, le bavardage change souvent de ton, allant du loufoque à une émotion à laquelle l’auteur lâche difficilement la bride. Il y a eu la « femme assise » de Copi. Voici sa femme debout.

Pierre Maillet a réglé cela comme la parade d’une diva qui, dans les lumières du music-hall, nous parlerait de sa façon d’arroser les plantes en volant par inadvertance vers de grands sujets : l’Argentine péroniste, la séduction et le sexe, l’exil. Marilú Marini – dont on peut suivre la folle carrière dans un livre qui vient de paraître [1] – est cette diva burlesque qu’appelle l’écriture de Copi. Elle semble sortie à la fois d’un tableau de Toulouse-Lautrec et d’une boîte mal famée de Buenos Aires. Elle est entre le grandiose et le trivial, l’autoritaire et le lunaire, avec une très rare capacité de métamorphose, grande clownesse d’un cirque satirique et métaphysique.

[1] Marilú Marini, chroniques franco-argentines, Odile Quirot, Les Solitaires intempestifs.

La Journée d’une rêveuse, Théâtre du Rond-Point, 01 44 95 98 21, jusqu’au 21 mai. Puis au Manège, Maubeuge, le 24 mai.

Théâtre
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