Du carburant pour l’extrême droite

Le Monde s’est modérément offusqué des saillies islamophobes où s’embourbaient ministres et « philosophes ».

Sébastien Fontenelle  • 3 mai 2017 abonné·es
Du carburant pour l’extrême droite
© photo : JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

Le Monde a fait, le 29 avril, le constat que « la ligne droitière de la campagne de M. Fillon », François, candidat malheureux de la droite dite « républicaine » dans ce que les journaux comme il faut appellent « la course à la magistrature suprême », avait, je cite, « contribué à radicaliser » ses « sympathisants, en focalisant le débat sur des thèmes chers au FN, comme l’immigration, la sécurité », ou « l’identité ». D’après notre « quotidien de référence » – ne ris pas, je te prie –, M. Fillon, en cal(qu)ant ainsi sa propagande sur celle du parti péniste, a très clairement « favoris(é) les transferts », et fini, donc, de désinhiber un électorat qui aurait peut-être, sans cela, hésité encore, sait-on jamais, à voter pour une formation d’extrême droite.

Ce constat du Monde est parfaitement pertinent, mais un peu court tout de même – et il faudrait maintenant que les collaborateurs de ce journal l’élargissent vers d’autres horizons, comme, par exemple, celui de la « gauche » « réformiste », incarnée principalement dans le Parti « socialiste ». Ou celui de la presse et des médias dominants.

Car c’est aussi là, non moins que dans la « campagne de M. Fillon », que le « débat » public a été, depuis deux longues décennies – compte sur moi pour y insister très (très) lourdement dans le moment où l’effet de cette banalisation se cristallise dans l’accession de la Pen au second tour de la présidentielle –, méthodiquement articulé autour de thématiques piochées dans le sac où les fafs serrent leurs abjectes obsessions.

C’est là qu’il a été, en particulier, systématiquement et délibérément réduit par le si triste M. Valls, notamment (que personne, parmi les « socialistes », n’a jamais voulu arrêter), en même temps que par une sinistre clique d’éditocrates perclu(se)s de morgue haineuse, à une conversation identitaire – toujours la même – où la France était représentée en bastion menacé, jusque dans sa souche « laïque » (liste non-exhaustive), par de terrifiant(e)s ennemi(e)s : les mahométan(e)s. (Hurlements de terreur.)

C’est là : pour le (re)dire autrement, qu’a été sciemment organisée, par des politicien(ne)s et des publicistes repu(e) s de l’importance dont les gonflait cette sale besogne, la banalisation quotidienne de la xénophobie – antimusulmane, pour l’essentiel – dans quoi les fafs cuisent leur mangeaille électorale.

Mais, que l’on sache : Le Monde ne s’en est que modérément offusqué. Que l’on sache : Le Monde n’a guère considéré que les saillies islamophobes où s’embourbaient jour après jour ministres et « philosophes » devaient être jour après jour présentées pour ce qu’elles étaient : du carburant pour une extrême droite qui a toujours su, elle, que dans ces matières les votant(e)s préfèrent, de fait – nous le vérifions ces jours-ci dans la consternation –, l’original à ses copies. Tout au contraire, Le Monde a, comme tant d’autres, jugé qu’il devait ouvrir ses pages à ces dangereux artificiers : on espère, dès lors, qu’après le temps de la (légitime) fustigation des errements de M. Fillon, viendra pour ce noble journal celui de l’introspection.

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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