L’insoumission qui ne vient pas

Dans le fond de ton cœur, Jean-Luc, tu l’aimes bien, la Ve, pas vrai ?

Sébastien Fontenelle  • 14 juin 2017 abonné·es
L’insoumission qui ne vient pas
© photo : CITIZENSIDE / Gerard Bottino / Citizenside

Eh ! Jean-Luc. À nous tu peux bien le dire, maintenant.

Tu viens de passer un an à fustiger la Ve République, à jurer que, si « les gens » t’élisaient chef de l’État françousque, ton premier soin, dès la deuxième ou troisième année de ton quinquennat – hâtons-nous sans trop de hâte –, serait d’organiser une « constituante » pour en finir avec l’ancien monde, allez zou, du balai, qu’ils dégagent tous, qu’ils se vayan todos – moi je vais rester encore un peu. Mais, dans le fond de ton cœur, tu l’aimes bien, la Ve, pas vrai ? Avec ses happenings électoraux.

Parce que bon. Tu vois ce qui se passe, depuis l’entrée, le mois dernier, de Macron dans l’Élysée. Tu vois qu’il va tenir dans l’été sa promesse d’en finir une bonne fois pour toutes avec les droits des salarié(e)s. Tu vois qu’il va durcir la persécution des migrant(e)s. Tu vois qu’il va faire de l’état d’urgence un état permanent. Tu vois que son règne pue déjà l’autoritarisme – dans le meilleur des cas –, et tu sais qu’il est en train de s’équiper d’une chambre bleu pétrole – d’une « écrasante majorité », comme dit la presse comme il faut – où tu grappilleras, pour toi et tes potes, une vingtaine de sièges environ, qui ne suffiront pas, je le crains, à faire de ton parti, comme tu le pronostiquais, « la première force d’opposition » au gattazisme présidentiel.

Tu sais qu’après le second tour des législatives vous constituerez, au mieux, dans la succursale du Medef que sera devenue l’Assemblée nationale, un groupe parlementaire – qui ne pèsera évidemment d’aucun poids quand quatre cents paires de godillots piétineront les derniers restes de notre défunt modèle social.

Tu sais, pour le dire autrement, que l’issue de tout ceci n’est plus dans les bureaux de vote. Tu sais que c’est dans la rue que ça se passera. Dans une confrontation. Dans une épreuve de force. Et qu’il faudra faire vite, parce qu’en face ils sont rapides, et très salement déterminés.

Mais, Jean-Luc, formules-tu, à la fin des fins, d’autres promesses que celle d’aller te fâcher tout rouge dans le Palais Bourbon ? Lances-tu, conscient de l’urgence, des appels à prendre et tenir le pavé ? On-est-là-et-on-ne-bouge-plus-tant-que-tu-n’as-pas-renoncé-à-tes-ordonnances-scélérates (-et-viré-M.-Collomb) ?

Non pas : tu célèbres, lové dans les institutions, ton accession au second tour dans ton Panier (Bouches-du-Rhône) – et celle de quelques-un(e)s de tes affidé(e)s dans leur circonscription. On lit vos tweets, on vous regarde vous raconter qu’à deux ou trois milliards de voix près vous êtes passé(e)s tout près de devenir maîtres du monde, on vous voit vouer aux gémonies quiconque ose émettre l’opinion que tout ne va peut-être pas pour le mieux dans votre meilleur des mondes – et on se frotte un peu les yeux, sans trop savoir s’il faut rire ou pleurer, dorénavant, de vous voir parfois si détaché(e)s de la réalité.

En de certains moments, même, on est presque pris de l’envie de vous alpaguer, au sortir de vos tournées des plateaux de télé, pour vous demander, bien cordialement : alors, cette insoumission ? Ça vient ?

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

Temps de lecture : 3 minutes