Macron, retour vers le futur

L’hypnose n’est pas une politique. Elle détourne de la réalité.

Jérôme Gleizes  • 21 juin 2017 abonné·es
Macron, retour vers le futur
© photo : Benjamin CREMEL / AFP

i nous voulons que tout reste tel que c’est, il faut que tout change », la célèbre phrase de Giuseppe Tomasi di Lampedusa dans Le Guépard s’applique à l’actuelle séquence française. Derrière les apparences de modernité du nouveau président, Emmanuel Macron, se cachent la même impasse que celle que nous avions dénoncée chez François Hollande en 2014 [1] et cet univers enchanté dans lequel vivent nombre de politiques de par le monde.

Nous sommes dans la pensée magique, celle qui provoque les catastrophes politiques, comme lors des années 1920. Rajeunir et renouveler les députés sans modifier profondément les politiques ou, pire encore, en accentuant les politiques néolibérales menées depuis trente ans ne nous sortira pas de l’impasse actuelle. Ne pas comprendre que cette crise est structurelle est une faute politique aux conséquences délétères. À ce stade, cette politique est plus qu’irrationnelle. La fuite en avant symbolisée par l’alliance des libéraux de droite et de gauche du gouvernement Philippe marque une défaite de la pensée. La crise actuelle est une faillite du mode de production, nécessitant de mettre en place une économie circulaire et de la fonctionnalité. Faute de quoi, l’épuisement des ressources naturelles et les changements climatiques nous entraîneront dans une crise de civilisation.

Depuis la crise des subprimes de 2007-2008, nous sommes entrés dans une accélération de l’histoire. La décomposition du monde se précipite et la guerre réapparaît comme une manière normale de faire de la politique. Il faut répéter inlassablement que la nature première de la crise est écologique, qu’elle est source de conflits sur toute la planète. Le mode de production capitaliste est à l’origine de l’Anthropocène. Il affaiblit les conditions de survie de l’humanité, avec l’actuelle sixième extinction des espèces et l’amplification des dérèglements climatiques. L’accumulation infinie du capital bute sur la raréfaction des ressources.

Avec Emmanuel Macron, la politique entre magistralement dans la société du spectacle. L’image remplace le fond. Plus dur sera le retour à la réalité. Profitant des erreurs de ses adversaires politiques, il fait du « semblant ». Par exemple, Donald Trump dénonce l’Accord de Paris, non contraignant, et permet à Macron de diffuser le hashtag #MakeOurPlanetGreatAgain sur les réseaux sociaux sans qu’il y ait une modification quelconque de la trajectoire climatique ! L’hypnose n’est pas une politique. Elle détourne de la réalité sans la modifier. Les anomalies de température se multiplient, notamment dans les zones arctiques, qui accélèrent la fonte des glaciers et la montée des eaux.

Pire, les actes révèlent une politique cynique. Le salon aéronautique du Bourget et ses premières rencontres diplomatiques montrent que Macron espère une augmentation des ventes d’armes pour relancer la croissance, tout en poursuivant une politique d’austérité budgétaire, comme Hollande l’avait fait. Alors qu’il dispose d’un Parlement majoritairement à son service, espérons que l’anesthésie générale n’endormira pas l’ensemble du corps social. Le Front national, lui, reste en embuscade, continuant sa progression avec huit députés à l’Assemblée et en gangrenant des territoires.

[1] Voir notre blog sur Mediapart.fr.

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

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