Theresa May s’entête

Les conservateurs britanniques ont perdu leur majorité parlementaire le 8 juin.

Olivier Doubre  • 14 juin 2017 abonné·es
Theresa May s’entête
© photo : Jack Taylor/Getty Images/AFP

Treize députés de moins. Les conservateurs britanniques emmenés par Theresa May ont perdu leur majorité parlementaire le 8 juin, au sortir d’un scrutin donné comme « imperdable ». Ils disposaient d’une avance de 20 points dans les sondages lorsqu’en avril la Première ministre a décidé de convoquer ces élections anticipées. Pour finir, les Travaillistes ont obtenu près de 40 % des suffrages et 262 députés. Soit 32 sièges de plus par rapport à la législature élue en 2015. Avec cette spectaculaire remontée en à peine un mois et demi de campagne, l’un des meilleurs scores du Labour depuis des décennies, Jeremy Corbyn a fait taire non seulement les voix les plus méprisantes des Tories (conservateurs) à son égard, mais aussi les députés travaillistes, la plupart blairistes. Lesquels espéraient se débarrasser de lui par l’échec annoncé – sur le papier – de sa ligne politique clairement à gauche, et qui aujourd’hui… lui doivent leur réélection !

À dix jours de l’ouverture des négociations sur le Brexit, le Royaume-Uni s’est donc réveillé, vendredi 9 juin, avec un « Parlement suspendu », sans majorité absolue. Les conservateurs restent la première force à la Chambre des Communes, ce qui permet à Theresa May – pour le moment – de demeurer au 10 Downing Street, mais dans l’obligation de rechercher une alliance avec une force d’appoint. Or, bien peu de possibilités s’offrent à elle. D’autant plus que les Tories n’ont pas hésité durant la campagne à s’abaisser à quelques sorties aux relents racistes afin de siphonner (avec succès) l’électorat du parti xénophobe et souverainiste Ukip (aucun élu). Les libéraux-démocrates, échaudés par leur raclée de 2015 et après cinq ans de participation à la politique austéritaire dans le gouvernement Cameron, n’ont aucune envie de réitérer l’expérience d’une alliance.

Aussi, Theresa May s’est tournée vers le DUP (dix députés), petit parti unioniste d’extrême droite d’Irlande du Nord, ultraréactionnaire, créationniste, ouvertement homophobe et anti-avortement. Des positions qui ulcèrent jusque dans les rangs conservateurs, renforçant ceux qui ont déjà réclamé, comme certains travaillistes, la démission de Theresa May. Paradoxe : alors que les Tories n’ont cessé de qualifier Corbyn d’« ami des terroristes » de l’IRA (il avait appelé à négocier quand le conflit armé nord-irlandais était à son paroxysme), la Première ministre cherche à rallier les héritiers des groupes paramilitaires protestants, non sans mettre gravement en danger le processus de paix en Irlande du Nord, initié en 1998. Au vu de la fragilité de cette éventuelle coalition, les jours de Theresa May à Downing Street sont sans doute comptés. Jeremy Corbyn, dont le parti est maintenant bien en tête dans les sondages, s’est déclaré prêt à gouverner. Ou à mener une très prochaine bataille électorale.

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