Quinquennat Macron : les retraités et les pauvres paieront

La principale mesure sociale promise par le président pendant la campagne passe à la trappe, tandis que la rigueur budgétaire ponctionnera le pouvoir d’achat des classes moyennes inférieures et des retraités.

Pauline Graulle  • 6 juillet 2017 abonné·es
Quinquennat Macron : les retraités et les pauvres paieront
© photo : JACQUES DEMARTHON / AFP

Emmanuel Macron est un ingrat. Les « papy-boomers » ont été 75 % à voter pour lui à la présidentielle (lire cette étude). Pourtant ce sont eux, les retraités, et pas les plus fortunés, qui porteront le poids de sa politique de rigueur budgétaire. Ceux qui touchent une pension de plus de 1 200 euros par mois verront ainsi augmenter leur CSG de 1,7 % dès le 1er janvier 2018. L’exonération progressive de la taxe d’habitation, censée toucher 80 % des contribuables, et qui avait été présentée par Emmanuel Macron comme une compensation de la hausse de la CSG pour les retraités, a été repoussée à « la fin du quinquennat ». Traduisez : aux calendes grecques.

La mesure sociale « phare » du programme de Macron pourrait-elle ne jamais voir le jour ? Probable. Mardi, à l’Assemblée nationale, le Premier ministre Édouard Philippe a ainsi annoncé que la « réforme » de la taxe d’habitation serait désormais soumise à une hypothétique « concertation » – d’ici 2022, donc. Mais en attendant, les retraités devront passer à la caisse. Il en coûtera par exemple 500 euros par an à Claudie, 65 ans, retraitée de l’Éducation nationale. Aujourd’hui, cette femme récemment divorcée, qui comptait sur un gain annuel de 2 400 euros du fait de la suppression de sa taxe d’habitation (particulièrement élevée dans sa commune de banlieue parisienne) a, « un peu l’impression de [s’]être fait avoir » : « Je ne m’attendais pas à grand-chose, mais en tout cas pas à perdre 500 euros par an ! », dit cette fumeuse qui verra, en outre, passer son paquet de cigarettes de 7 euros à 10 euros (soit 40 % d’augmentation).

Trompe-l’œil

Le gouvernement qui s’assoit (déjà) sur l’une de ses principales promesses de campagne ? Le rapport de la Cour des comptes, publié la semaine dernière, et comptabilisant un déficit supérieur de 8 milliards d’euros à ce qui était annoncé – un déficit que ne pouvait pas ne pas connaître Emmanuel Macron, comme le sous-entend Le Monde (ici) – est tombé à point nommé. Surfant sur ce prétexte tout trouvé pour demander du « courage » aux Français, Édouard Philippe ne s’est d’ailleurs pas privé de dramatiser la situation financière française : « Nous dansons sur un volcan qui gronde de plus en plus fort », a-t-il averti, la mine grave, dans l’hémicycle.

Un « volcan » pourtant pas assez menaçant pour emporter les mesures favorables aux classes les plus aisées. L’exonération de l’ISF des contribuables détenteurs d’un patrimoine financier – une « réforme », pourtant estimée à 2 milliards d’euros – entrera en vigueur en 2019, avec juste un an de retard. Pas touche non plus au CICE – 40 milliards par an accordés aux entreprises sans contrepartie. Ni la baisse progressive de l’impôt sur les sociétés, de 33 % à 25 % d’ici 2022.

Le gouvernement entend en revanche « repenser » – autrement dit, raboter – les aides pour le logement, au motif que même avec elles, « les Français continuent d’éprouver des difficultés à se loger ». Les millions d’étudiants de petite classe moyenne qui, sans les APL, ne pourraient pas se loger dans les grandes villes universitaires apprécieront le raisonnement. Dans le collimateur également, les services publics. Le Premier ministre entend ainsi « stopper l’inflation de la masse salariale du secteur public ». Après avoir appris, la semaine dernière, que leur point d’indice était gelé (lire ici), les fonctionnaires doivent désormais s’attendre à voir leurs conditions de travail se dégrader plus encore dans les années à venir, faute d’effectifs suffisants.

Quant aux baisses des cotisations sociales censées augmenter les salaires – Édouard Philippe a estimé qu’un salarié au Smic « gagnerait » 250 euros par an sur sa fiche de paie –, elles sont une hausse du pouvoir d’achat en trompe-l’œil, souligne la CGT : « Il ne s’agit pas d’une augmentation de salaire mais d’une baisse des cotisations sociales prélevées sur les salaires. [Cela] constitue un pas de plus vers la fiscalisation et la privatisation de la protection sociale par le recours aux assurances privées, pour compléter puis à terme remplacer les cotisations sociales. » C’est ce qui s’appelle un tour de passe-passe.