Les « bikers » de Deliveroo ne décolèrent pas

À partir du 28 août, tous les livreurs à vélo de Deliveroo seront uniquement payés à la course : finie la rémunération fixe à l’heure. Mobilisés depuis plus d’un mois, les coursiers organisent pour la première fois une mobilisation dans toute la France, ces 27 et 28 août.

Maïa Courtois  • 24 août 2017 abonné·es
Les « bikers » de Deliveroo ne décolèrent pas
© PHOTO : JULIEN MATTIA / NURPHOTO

Chez Deliveroo, un changement dans le contrat s’impose sur simple coup de fil. Et ne se négocie pas. Fin juillet, la plateforme britannique de livraison sur commande a téléphoné à ses « bikers » pour leur annoncer qu’à partir de septembre, ils seraient uniquement payés à la course. « Ce mode de rémunération existe déjà depuis un an. Ce que l’on dénonce, c’est la méthode avec laquelle ils l’imposent aux livreurs qui n’y étaient pas encore soumis », précise Jérôme Pimot, un des porte-paroles du Clap (Collectif des livreurs autonomes de Paris).

Sur les 7 500 coursiers Deliveroo travaillant aujourd’hui dans une vingtaine de villes françaises, ce changement ne concerne que les plus anciens. Ils sont près de 600 selon Deliveroo, 1 000 selon les syndicats. Ce sont ceux qui ont rejoint la plateforme avant septembre 2016 : jusque là, ils étaient payés 7,50 euros de l’heure, avec une prime de 2 à 4 euros à chaque livraison. Ceux venus plus tard se sont vu imposer une tarification à la course : 5 euros la livraison, 5,75 euros à Paris. À l’époque, ce nouveau mode de rémunération leur avait été présenté avec avantages à la clé et minimums garantis, notamment le soir et les week-ends. De quoi faire passer la pilule. Or ces garanties, non contractuelles, ont eu tôt fait de fondre comme neige au soleil. « C’est ce qui avait provoqué les premiers mouvements de protestation à Marseille », rappelle Jérôme Pimot.

© Politis

Après l’annonce de l’extension à tous de ce régime à 5 euros la course, des rassemblements de protestation s’étaient organisés dès la fin juillet à Bordeaux, Lyon, puis à Paris le 11 août. Mais pour tenter de se faire entendre jusqu’à Londres, où est basé le siège décisionnel de Deliveroo, les « bikers » la jouent de plus en plus collectif. Le Clap à Paris, la CGT à Bordeaux, le Club de coursiers (2CL) à Lyon, ou encore Les Bikers nantais ont beaucoup communiqué entre eux pour « cette fois, se rassembler tous en même temps », se félicite Jérôme Pimot. Le 27, le rassemblement à Paris sera l’occasion de « discuter ensemble des revendications », fidèle à une auto-organisation la plus horizontale possible. Une « action mobile » est prévue : elle consistera à « aller bloquer les restaurateurs » utilisant l’application Deliveroo. « Avant, on bloquait les usines… Maintenant, on oblige à fermer tablettes et applications ! », s’amuse le militant. Ce travail de sensibilisation auprès de ces restaurateurs intervient « au moment où eux-mêmes commencent à être conscients de la dangerosité du fonctionnement de ces plateformes ». Le 28, les « bikers » parisiens iront manifester devant le siège de Deliveroo.

À lire aussi >> La colère des « forçats du bitume »

De son côté, la société britannique vante le gain de flexibilité qu’offre la tarification à la course, et parle de « maximiser cette liberté » qu’ont ses « livreurs-partenaires » d’organiser leur temps de travail. Elle affirme également que ce changement aura un impact positif sur leur salaire, qu’elle préfère bien sûr appeler « chiffre d’affaires ».

Les « bikers » sous anciens contrats anticipent, au contraire, une baisse de leurs revenus. La CGT la chiffre entre 18 % et 30 %, voire 40 %. Cela s’accompagne d’un second enjeu, non des moindres : celui de la sécurité. D’après Jérôme Pimot, les livreurs payés à la course tendent à se mettre davantage en danger. « On n’est plus payé quand on attend une commande : ce sont des astreintes non rémunérées. On est juste payé quand on roule… alors on roule le plus vite possible. C’est de la financiarisation de la prise de risques ! », dénonce-t-il. L’ex-livreur Deliveroo compte entamer un tour de France à la rentrée, afin de « rencontrer les jeunes » de Dijon, La Rochelle ou encore Angers, pour les encourager à se joindre au mouvement.

Pour aller plus loin…

À Marseille, l’infatigable combat des femmes de chambre du Radisson Blu
Reportage 26 juillet 2024 abonné·es

À Marseille, l’infatigable combat des femmes de chambre du Radisson Blu

Depuis deux mois, les femmes de chambre de l’hôtel haut de gamme marseillais sont en grève. Elles demandent une hausse de salaire, une prime pénibilité et de meilleures conditions de travail. Mais leur employeur, sous-traitant de l’hôtellerie, fait la sourde oreille en pleine saison touristique.
Par Étienne Bonnot
À Paris, devant la mairie du 18e, la santé dégradée des familles en attente d’un hébergement
Reportage 25 juillet 2024 abonné·es

À Paris, devant la mairie du 18e, la santé dégradée des familles en attente d’un hébergement

Depuis plusieurs jours, près de 300 personnes, en majorité des femmes et des enfants, campent devant la mairie du 18e arrondissement de la capitale pour demander un hébergement. Malgré un soutien associatif, la situation sur place est inquiétante.
Par Pauline Migevant
Nicolas, pêcheur de Loire : une espèce en voie de disparition
Portrait 24 juillet 2024 abonné·es

Nicolas, pêcheur de Loire : une espèce en voie de disparition

Sur le plus long fleuve de France, ils ne sont plus qu’une soixantaine à exercer leur métier. Une activité qui fait figure d’artisanat en comparaison de la pêche en mer. Rencontre avec un passionné attentif à son environnement.
Par Mathilde Doiezie
Valérie Damidot : « L’ennemi de la justice sociale, c’est le riche, pas le migrant »
Télé 24 juillet 2024 abonné·es

Valérie Damidot : « L’ennemi de la justice sociale, c’est le riche, pas le migrant »

Connue pour ses marouflages, moins pour ses engagements à gauche, l’emblématique animatrice de « D&CO » ne mâche pas ses mots contre les inégalités, les dérives d’Emmanuel Macron, l’éloignement des élus. Rencontre avec celle qui a fait le choix à la rentrée de revenir sur le service public.
Par Pauline Migevant