Logement : la fausse note de la rentrée

L’encadrement des loyers doit être un axe prioritaire.

Sabina Issehnane  • 30 août 2017 abonné·es
Logement : la fausse note de la rentrée
© photo : Photo12 / Gilles Targat / AFP

L’annonce, cet été, de la diminution de l’aide personnalisée au logement (APL) a fait l’objet de vifs débats sur l’efficacité de cette allocation. Ces débats, néanmoins, n’ont pas permis de mettre l’accent sur la question du mal-logement en France. Les décès de sans-abri sont pourtant plus fréquents en été qu’en hiver, faute de structures d’hébergement suffisantes. Cette année encore, plusieurs milliers de ménages ont été expulsés à la fin de la trêve hivernale. La rentrée est toujours source d’angoisse pour nombre d’étudiants qui ne trouvent pas où se loger à un prix décent. Et près de 5 % des locataires sont en situation d’impayés de loyers ou de charges, plus de 11 % des accédants à la propriété ont des difficultés à rembourser leur emprunt, tandis qu’un ménage sur cinq souffre de précarité énergétique [1]. Pourtant, depuis trente ans, la part du revenu des ménages consacrée à leur résidence principale n’a cessé d’augmenter, pour atteindre en moyenne 20 % – et beaucoup plus pour certains.

En devenant le premier poste de dépenses du budget des familles, le logement constitue un facteur important d’inégalités. Plus le ménage est modeste, plus le coût du logement pèse sur son revenu. Rappelons que les trois quarts des APL sont versées aux 30 % des foyers les plus modestes, ce qui en fait une des prestations sociales les plus redistributives [2] et progressives. Au-delà des débats sur ses effets – discutables et discutés –, que faire pour répondre à la question urgente du logement en France ? Un locataire du parc privé sur cinq consacre plus de 40 % de son revenu à son loyer. À revenu identique, le taux d’effort (le rapport entre la somme des dépenses liées à la résidence principale et les revenus d’un ménage) est moins élevé dans le parc social que dans le parc privé. Même si une construction massive de logements sociaux est difficile à mettre en œuvre à court terme, elle est indispensable afin de répondre au mal-logement en France. D’autres pays ont fait ce choix. C’est le cas des Pays-Bas, où l’on compte plus de 35 % de logements sociaux, même dans les grandes métropoles comme Amsterdam.

Comment peut-on laisser les communes se soustraire à leur obligation de construction de logements sociaux, alors même que la France compte 4 millions de mal-logés ? Comment accepter que, dans les zones tendues comme Paris, il existe plusieurs centaines de milliers de logements vacants et de résidences secondaires, alors que les difficultés à se loger sont le lot quotidien de tant de familles ? Une politique d’encadrement des loyers à la hauteur des enjeux actuels devient indispensable. En faire un axe prioritaire est un choix politique et doit dépasser les contingences comptables pour faire en sorte qu’un toit constitue réellement un droit pour toutes et tous. La dignité, Monsieur le Président, pour ceux qui n’ont rien…

[1] « Les conditions de logement en France », Insee Références, 2017.

‘[2] « Les prestations familiales et de logement en 2012 », DREES, Études et résultats, n° 875, février 2012.

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

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