Rentrée politique : L’heure de vérité

Vent debout contre le bouleversement annoncé du code du travail, la France insoumise et le PCF escomptent bien mobiliser contre « le gouvernement des riches et du Medef ».

Michel Soudais  • 30 août 2017 abonné·es
Rentrée politique : L’heure de vérité
© photo : Bertrand GUAY / AFP

L’affrontement est inévitable. Entre le gouvernement, qui dévoile ce jeudi le contenu des ordonnances réformant le code du travail, et la gauche syndicale et politique, le temps n’est plus au dialogue. L’a-t-il d’ailleurs jamais été ? Les multiples rencontres bilatérales entre la ministre du Travail ou (plus souvent) les membres de son cabinet et les partenaires sociaux qui se sont multipliées tout au long de l’été n’ont été en rien une négociation. La rue de Grenelle, siège du ministère, se bornant à enregistrer l’avis de ses hôtes priés de ne rien dévoiler des arbitrages qui leur étaient présentés confidentiellement. De leur côté, les députés des groupes de la France insoumise, de la Gauche démocrate et républicaine – qui comprend 11 communistes – et de la Nouvelle Gauche (PS) estiment que, « sur la forme, la procédure d’adoption [du] projet de loi [habilitant le gouvernement à réformer par ordonnances] a été marquée par des délais et conditions matérielles ayant empêché le Parlement d’exercer son rôle ». Pour ce motif, ils ont déposé, avec deux députés nationalistes corses, un recours auprès du Conseil constitutionnel pour « déclarer inconstitutionnelle l’intégralité » d’un texte qui, en manquant « à l’exigence de précision », laisse au gouvernement une « marge d’appréciation exorbitante […] susceptible de conduire à des atteintes à des droits et libertés ayant valeur constitutionnelle ».

Sans attendre le résultat de ce recours, sur lequel les « sages » doivent rendre leur décision d’ici au 4 septembre, la réforme du code du travail du gouvernement mobilise en cette rentrée les opposants à Emmanuel Macron. À Angers, où se tenait l’université d’été du PCF, Pierre Laurent a annoncé une rentrée « sur les chapeaux de roues, de combat et de riposte ». Le numéro un communiste a appelé ses troupes à une « mobilisation XXL » contre un « pouvoir libéral, cynique, immoral » et « à forte tendance autoritaire ». À Marseille, où la France insoumise (FI) organisait parallèlement ses « Amfis d’été » – nom donné à ce rendez-vous estival –, la préoccupation était identique. Nombre de conférences et d’ateliers de formation étaient destinés à « préparer la rentrée sociale d’un mois de septembre qui s’annonce intense », a expliqué Manuel Bompard, directeur des campagnes de la FI.

Plusieurs rendez-vous sont d’ores et déjà fixés. La CGT et Solidaires appellent à une journée d’action et de mobilisation syndicale le 12 septembre. Si le leader cégétiste ne désespère pas de voir FO s’y associer une fois connu le contenu des ordonnances, le PCF et la FI ont déjà invité leurs militants et sympathisants à s’y joindre. « Réussir ce premier rendez-vous est capital pour enclencher un mouvement d’ampleur », a estimé le communiste Pierre Laurent. « Le Parti socialiste sera le 12 septembre aux côtés des salariés dans cette mobilisation », a également annoncé François Kalfon, membre de sa direction collégiale provisoire, au lendemain d’un week-end au cours duquel les dirigeants et cadres socialistes, réunis en séminaire à huis clos, ont surtout discuté des voies et moyens pour refonder leur parti. Emmanuel Macron ressouderait-il les rangs de la gauche ancienne version ?

La perspective ne déplairait pas au PCF, dont le secrétaire national a invité toutes les forces de gauche à la Fête de l’Humanité (15, 16 et 17 septembre) pour travailler à une réplique aux « coups du pouvoir », ce rendez-vous étant présenté comme le « premier forum à ciel ouvert de riposte à Macron ». « Nous vous y attendons. N’oubliez pas l’adage. Les absents ont toujours tort », leur a-t-il lancé. Les raisons des socialistes de rejeter le projet d’Emmanuel Macron restent toutefois limitées. François Hollande s’est d’ailleurs chargé de fixer ces limites en dégainant le premier. « Il ne faudrait pas demander des sacrifices aux Français qui ne sont pas utiles » et « flexibiliser le marché du travail au-delà de ce que nous avons déjà fait, au risque de créer des ruptures », a déclaré l’ancien Président, le 22 août, en marge d’un déplacement au Festival du film d’Angoulême. Unanimes à critiquer le recours aux ordonnances, qui « ne sont pas une méthode moderne de gouvernance », comme le dit Anne Hidalgo dans Le Journal du dimanche (27 août), sans pousser plus loin la critique, ils n’appellent pas tous le chef de l’État ainsi que l’a fait François Kalfon, ancien directeur de campagne d’Arnaud Montebourg, « à renoncer au plafonnement des indemnités prud’homales […] et aux assouplissements des plans sociaux ».

Sans surprise, la France insoumise entend plus radicalement globaliser la lutte contre ce qu’elle appelle « le coup d’État social » d’Emmanuel Macron. Si l’expression, employée par Jean-Luc Mélenchon le 4 juillet dans sa réponse au discours de politique générale d’Édouard Philippe, désignait le processus des ordonnances qui « en deux votes » doit « abolir les résultats de cent ans de luttes et de compromis sociaux », elle résume aujourd’hui une « convergence de mesures » : loi travail, préférence fiscale pour les riches, baisse des APL, hausse de la CSG… C’est contre l’ensemble de ces projets, et pas seulement la réforme du code du travail contre laquelle la FI a mené campagne cet été dans une trentaine de quartiers populaires visités par sa caravane, qu’elle appelle à manifester le 23 septembre à Paris. « La vague dégagiste va reprendre et s’amplifier », a pronostiqué Jean-Luc Mélenchon à Marseille, ravi de la chute de l’exécutif dans les sondages. « C’est le moment de venir, les gens, d’exprimer dans la démocratie de la rue les leçons des élections que vous avez portées avec vos bulletins de vote et par l’abstention. »

Face à cette opposition, le gouvernement peut compter sur le soutien du Medef et d’une bonne partie de la presse. À l’ouverture de l’université d’été de son mouvement, Pierre Gattaz a encouragé le gouvernement à « surtout ne rien lâcher » de la réforme du travail et de la fiscalité. « La réforme, c’est maintenant ! » se réjouit-il dans un entretien au Parisien, accompagné d’un éditorial qui assure que les réformes envisagées par Emmanuel Macron sont « la chance d’un pays au pied du mur ». Il est vrai que ce quotidien populaire appartient aujourd’hui à Bernard Arnault, première fortune de France.

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