Laurent Berger, l’affect plutôt que la lutte

Le secrétaire général de la CFDT, « déçu » par la présentation des ordonnances sur la réforme du travail, refuse catégoriquement d’appeler à descendre dans la rue. Enterrant au passage le vocabulaire du combat social sous une cascade de réactions émotives.

Maïa Courtois  • 1 septembre 2017
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Laurent Berger, l’affect plutôt que la lutte
© PHOTO : STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

L e combat syndical ne se résume pas à la rue », rétorque sur un ton exaspéré Laurent Berger à l’énième journaliste qui l’interroge sur son refus d’appeler à manifester le 12 septembre. Le secrétaire général de la CFDT sort tout juste de la présentation des ordonnances de la réforme du Code du travail par le gouvernement.

Il ne cache pas sa « profonde déception ». Un mot partout répété : « Au final, nous sommes déçus. Peu de nos propositions ont été retenues », confesse-t-il au Monde, comme s’il tombait vraiment de haut. En vrac, dans le même entretien, Laurent Berger « s’inquiète », évoque ce qui le « gêne », dit avoir été mis « dans une colère noire » par la baisse des emplois aidés. Le registre de l’affect aurait-il remplacé celui de la lutte ?

En délaissant la rue, le secrétaire général de la CFDT cantonne la conception de la bataille syndicale aux salons de réunions. Il la résume au fait d’avoir « pesé » dans la concertation – qu’il qualifie par ailleurs, usant à nouveau du registre sentimental, de « loyale et sincère ».

La finalité de la lutte sociale s’en trouve réduite à un refrain : « Ça aurait pu être pire. » Le délai de recours aux prud’hommes a été ramené à un an au lieu de deux ; mais après tout, il avait été un temps question de l’abaisser à six mois. Et puis, « si la CFDT ne l’avait pas demandé _[__…] il n’y aurait pas d’augmentation des indemnités de licenciement »_. Augmentation dont tous les syndicats s’accordent pourtant à dire qu’elle est bien en deçà leurs exigences : les indemnités passent de un cinquième de mois de salaire par année d’ancienneté à un quart ; la CFDT espérait leur doublement.

En toute logique, le discours se lisse, s’atténue, s’aveugle. Et Laurent Berger d’assurer que « ce n’est pas la casse du Code du travail que certains ont annoncée. Et nous avons contribué à ce que cela ne soit pas le cas. »

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