La France insoumise tente de mobiliser les étudiants

Le mouvement de Jean-Luc Mélenchon se tourne vers les jeunes, conscient de leur potentiel en termes de mobilisation politique.

Malika Butzbach  • 12 octobre 2017 abonné·es
La France insoumise tente de mobiliser les étudiants
© Photo : ALAIN JOCARD / AFP

Sur la pelouse de « Nanterre la Rouge », les étudiants prennent le soleil durant la pause du midi, la chanson « Antisocial » de Trust en fond sonore. Ce lundi 9 septembre, les députés France insoumise Danièle Obono et Éric Coquerel sont attendus sur le campus. Une prise de parole organisée par le groupe d’appui du mouvement sur l’université. Le jour même, Jean Luc Mélenchon appelait les étudiants à se mobiliser. « Et maintenant, il faut que les facs se bougent », écrivait le leader de France insoumise sur son blog.

Stratégie politique

Difficile d’ignorer les efforts du mouvement d’opposition pour séduire les étudiants. Un tract à leur attention, intitulé « 10 raisons de se mobiliser contre la bande à Macron », a été imprimé en 500 000 exemplaires et distribué aux abords des universités. « Mélenchon est arrivé en tête chez les 18-24 ans à la présidentielle. C’est une classe d’âge qui se reconnaît largement dans la FI », affirme Manuel Bompard, défendant la légitimité du mouvement à venir parler aux étudiants et jeunes travailleurs.

Mais l’opposition est aussi consciente de ce que peut amener la mobilisation de cette partie de la population. « Lorsque la jeunesse entre dans la danse, ça peut changer la donne », souligne Éric Coquerel. Au micro, il raconte aux étudiants ses souvenirs de la mobilisation contre la loi Devaquet en 1986, dans la même université. Danièle Obono préfère se référer à la victoire contre le contrat première embauche (CPE), en 2006. « C’était la dernière mobilisation à laquelle j’ai participé… Et elle a permis de faire reculer le CPE. »

Les jeunes politisés

Sur le campus, certains étudiants s’approchent des enceintes. Mais d’autres restent loin, « pas vraiment intéressés », esquivent-ils. « Il est vrai qu’actuellement, c’est complexe de mobiliser les étudiants, témoigne Valentin, étudiant et membre du groupe d’appui FI de Nanterre. Ils ont l’impression de ne pas être concernés, qu’il n’y a pas d’urgence. Mais c’est maintenant qu’il faut se mobiliser, pas dans cinq ans lorsque les réformes de Macron seront concrètement mises en place. » Lui voit ça comme le symptôme profond et général d’une société de plus en plus dépolitisée. Pourtant, les étudiants se ruent sur les députés lorsque ceux-ci descendent de l’estrade pour leur poser divers questions. « Je suis pas d’accord avec votre vision de l’Union européenne, ce n’est pas qu’une union économique, c’est aussi un avantage politique », apostrophe une étudiante à Danièle Obono. « Si, si, je t’assure », réplique la députée. Le débat est lancé et l’élue a du mal à quitter le campus tant les jeunes la questionnent. « Ça montre bien que les jeunes ne sont pas dépolitisés : ils s’intéressent à la chose politique », sourit-elle.

Groupes d’appui : cellules locales

« Ils ont un potentiel de mobilisation, mais ils font aussi un calcul rationnel : est-ce que ça vaut le coup de sortir manifester, explique Éric Coquerel. Là est tout notre enjeu : les convaincre de cette utilité. » Sur l’estrade, le député précise qu’il n’est pas question d’étiquette de parti, « mais du rejet d’un projet global qui nous concerne tous ». Pour Manon, membre de FI, « le mouvement doit être un moyen supplémentaire de mobilisation. Pour cela, nous avons organisé un marathon des bars dans le quartier Saint-Germain, des apéros sur les quais … Le but est d’aller à leur rencontre et de leur parler. C’est aussi pour leur montrer que l’on peut militer autrement. »

© Politis

Pendant l’été, les jeunes insoumis ont investi les réseaux sociaux, terrain d’expression des étudiants et jeunes travailleurs. Les groupes d’appui et cellules locales se multiplient : « À Nanterre, lors de la campagne présidentielle, il y avait une vingtaine de personnes. Cela a augmenté depuis la rentrée », souligne la jeune fille. Philippe, membre de ce groupe, aimerait une véritable organisation : « Cela permettrait une meilleure organisation, mais aussi plus de démocratie : chacun pourrait s’exprimer sur le programme. » Mais les autres étudiants FI refusent de se transformer en banale organisation de jeunesse.

Entre le syndicalisme et la politique

« Tout ça, c’est pour faire disparaître l’Unef », réplique un membre de l’administration de l’université de Nanterre, présent lors de la prise de parole des députés. « Notre intention n’est pas de noyauter qui que ce soit. Et d’ailleurs, on ne s’occupe pas des affaires syndicales », balaie Éric Coquerel. Face à la crise des organisations étudiantes traditionnelles, FI se retrouve à occuper une place vide, analyse Robi Morder, sociologue et président du Groupe d’études et de recherche sur les mouvements étudiants (Germe).

France insoumise agit comme un mouvement politico-social, donc ni comme un parti, ni comme un syndicat : ils brouillent les séparations. C’est une période d’expérimentation, pour le moment. Cela peut ou peut ne pas se transformer en un mouvement étudiant d’ampleur. Rien n’est écrit.

Un terreau pour la mobilisation

« C’est plutôt une bonne chose qu’ils participent à mobiliser les étudiants, mais ce serait bien qu’ils travaillent avec les autres associations », nuance Arthur, membre du NPA Jeunes. « Pourquoi être chacun dans son coin alors que l’on se bat contre les mêmes réformes ? », lance le jeune homme en tête du cortège des facultés lors de la journée du 10 octobre. Derrière lui, une trentaine d’étudiants qui sont venus défendre les services publics, aucun ne portent d’autocollants et de pancartes FI. Quelques-uns du groupe d’appui de Nanterre sont venus, restant au point fixe de la France insoumise, sur le boulevard Beaumarchais. En région, comme à Lille ou à Montpellier, on a vu les jeunes insoumis dans les cortèges.

Difficile pour autant de parler de réussite ou d’échec de la mobilisation étudiante lors d’une manifestation de la fonction publique : ceux qui sont présents le sont par solidarité, il ne s’agit pas d’un mouvement étudiant. « Cependant, il y a un terreau pour la mobilisation étudiante avec les réformes de Macron, analyse Robi Morder. Mais, pour qu’un véritable mouvement émerge, il est nécessaire d’aller au-delà d’un certain fatalisme. » Le climat est donc là, il ne manque que l’étincelle. « On ne sait jamais d’où l’éclatement peut partir, prédit Danièle Obono. Les voies de la lutte des classes sont impénétrables. »

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