Liêm Hoang Ngoc : « Une accentuation de la concentration de la rente »

Sous couvert de « libérer les énergies », le gouvernement accentue les inégalités, selon Liêm Hoang Ngoc.

Erwan Manac'h  • 4 octobre 2017 abonné·es
Liêm Hoang Ngoc : « Une accentuation de la concentration de la rente »
© photo : LOIC VENANCE / AFP

Le choc fiscal présenté par le gouvernement mise d’énormes sommes sur la volonté des plus grosses fortunes d’investir pour relancer l’économie. Un pari risqué, inéquitable et profondément idéologique, comme l’explique Liêm Hoang Ngoc, économiste et membre de la France insoumise.

Comment analysez-vous cette réforme ?

Liêm Hoang Ngoc : C’est un nouveau paquet fiscal qui risque de devenir un boulet pour le gouvernement. Tout le monde se souvient du bouclier fiscal de Sarkozy, symbole de son quinquennat. Son coût était de 600 millions d’euros. C’était un moyen détourné pour réduire l’ISF des mille familles les plus riches, qui ont bénéficié chacune d’un chèque de 380 000 euros par an de la part du fisc. Les socialistes ont « amélioré » ce bouclier fiscal en créant un plafonnement à 75 % du revenu imposable pour les sommes dues au titre de l’ISF, qui a coûté un milliard. Grâce à quoi Mme Bettencourt ne payait pas l’ISF. Aujourd’hui, Macron offre un super paquet fiscal de près de 5 milliards.

Le gouvernement instaure en premier lieu une flat tax, permettant aux revenus du capital [rentes foncières, dividendes, intérêts bancaires, NDLR] d’échapper au barème de l’impôt sur le revenu, auquel ils étaient assujettis jusque-là. Avec un taux marginal de 45 % pour les revenus supérieurs à 152 260 euros. Cette fraction du revenu des plus riches (composé pour l’essentiel de revenus financiers) pourra désormais bénéficier d’un prélèvement à taux unique de 30 %, incluant les prélèvements sociaux ! C’est un moyen déguisé de supprimer la CSG sur les revenus du capital, au moment où la CSG pour tous les autres revenus augmente, pénalisant les retraités et les fonctionnaires.

En deuxième lieu, l’impôt sur le patrimoine est abaissé, avec la suppression de l’actuel ISF. Au prétexte de stimuler l’investissement et de lutter contre la rente, le nouvel impôt ne taxe plus la détention d’actions, cœur du réacteur de l’accumulation de la rente aujourd’hui. Quelle entourloupe !

On nous explique que les 5 milliards de baisses d’impôts pour les plus riches seront réinvestis dans « l’économie productive ». Croyez-vous en cet effet vertueux ?

Non ! La propension à épargner des classes riches est extrêmement importante. Et ceux qui bénéficient de ces baisses d’impôts auront d’autant plus intérêt à acheter des actions que leur détention est désormais détaxée (grâce à la suppression de l’ISF) et que les dividendes qu’elles engendrent sont maintenant sous-taxés (grâce à la flat tax). Or, tout le monde sait que la part des profits versés sous forme de dividendes s’est considérablement accrue. Ceci est précisément à l’origine de l’explosion des inégalités qui a profité aux plus riches. Le nouveau paquet fiscal va donc accentuer l’accumulation et la concentration de la rente.

La France devient-elle un paradis fiscal ?

Contrairement à ce que l’on croit, le système fiscal français est déjà fortement dégressif. Plus on est riche, moins on paye, en proportion de ses richesses. Comme Thomas Piketty l’a montré, tous impôts confondus, les prélèvements décroissent pour les foyers les plus aisés.

Économie
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