Référendum sur le Ceta : un impératif démocratique

Pour Jean-Michel Coulomb, les inquiétudes que suscite l’accord de libre-échange Europe-Canada, qui gagnent jusqu’aux rangs de la majorité, justifient l’ouverture d’un grand débat public.

Jean-Michel Coulomb  • 25 octobre 2017
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Référendum sur le Ceta : un impératif démocratique
© JOE KLAMAR / AFP

Le 8 septembre dernier, la commission « Schubert », composée d’expert(e)s chargé(e) s par le gouvernement de dresser un bilan des effets attendus du Ceta [1] sur la santé, le climat et l’environnement, a rendu son rapport. Celui-ci s’est révélé bien plus critique qu’attendu, relevant notamment que le grand absent de cet accord est le climat.

À l’heure où Emmanuel Macron, à grand renfort de communication, de punchlines et de grands discours, veut se faire passer pour le « géant vert », ce rapport a jeté un froid. Le Président a donc appelé à ralentir la frénésie libre-échangiste de la Commission européenne lors du sommet bruxellois des chefs d’État et de gouvernement de l’Union les 19 et 20 octobre. Sans grande surprise, il s’est heurté aux résistances de nombreux pays européens et de la Commission.

Et le malaise a « ruisselé » jusqu’aux député(e)s LREM qui, le 17 octobre, ont adressé une lettre au Premier ministre Édouard Philippe, dressant une liste de mesures pour « encadrer l’application du Ceta ». Mais ces mesures ne prennent pas en compte les risques du traité sur les emplois, les PME, les services publics – volets non traités par la commission Schubert –, et sont très insuffisantes, pour ne pas dire lénifiantes ou utopiques. En particulier sur les risques que le tribunal arbitral et l’organe de coopération réglementaire font courir à la possibilité même de politiques publiques non dictées par les desiderata des transnationales. Vouées à consigner les méfaits du Ceta quand elles se limitent à du suivi a posteriori de ses effets. Utopiques pour les plus ambitieuses car elles nécessiteraient une renégociation du Ceta. Pour preuve, le « veto climatique » qui permettrait d’exclure de la portée du tribunal d’arbitrage les réglementations visant à protéger le climat ou l’environnement. Ou encore un traité avec le Canada contradictoire au Ceta (sur le climat) ou des engagements formels et contraignants de l’Union européenne que la France n’aurait pas de chances d’arracher. Exemple : obtenir que le conflit d’intérêts au sein de l’organe de coopération réglementaire soit interdit et puni. Autre démonstration : la réflexion proposée par les député(e)s LREM sur l’étiquetage des produits en provenance du Canada est rendue impossible par les règles mêmes de l’OMC, que le Canada a déjà saisie sur le sujet…

Toutes ces péripéties avant l’annonce, mercredi 25 octobre, du « plan d’action » du gouvernement pour accompagner l’application du traité. On peut s’attendre à ce que ce plan soit aussi creux et vain que les mesures proposées par les député(e)s LREM.

Face à ces doutes, qui bousculent même les élus les plus enclins au libre-échange, on voit bien qu’il ne serait pas admissible de pousser pour un vote rapide du Parlement. D’autant plus qu’on ne connaît même pas la position de la Cour de justice de l’Union européenne sur la constitutionnalité européenne du tribunal arbitral et que l’application provisoire va amener à mettre en évidence les effets du Ceta. Alors que le président de la République rappelait, le 1er mai dernier, que le traité « a été conçu à l’écart du processus démocratique, dans une forme de décision qu’il nous faudra changer en Europe pour l’avenir » ; que les député(e)s LREM souhaitent que « toutes les personnes qui s’intéressent à ce sujet puissent s’en saisir, puissent le faire évoluer et puissent avoir les moyens de contrôler l’impact pour telle ou telle filière » et qu’Édouard Philippe a déclaré à Jean-Claude Juncker que « nous ne pouvons pas donner à nos concitoyens […] le sentiment que nous ne les écoutons pas », la mise en place d’un débat public sur le Ceta par l’organisation d’un référendum sur sa ratification est un impératif démocratique. C’est en tout cas ce qu’exige le collectif Stop Tafta/Ceta.

[1] Le traité de commerce et d’investissement entre le Canada et l’Union européenne.

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