Louis-Philippe Dalembert : Haïti, terre de refuge

Louis-Philippe Dalembert rappelle le rôle méconnu de l’île pendant la Seconde Guerre mondiale.

Anaïs Heluin  • 15 novembre 2017 abonné·es
Louis-Philippe Dalembert : Haïti, terre de refuge
© photo : JOEL SAGET / AFP

En 1939, alors que la police française prépare la rafle du Vél d’Hiv, l’État haïtien vote un décret-loi octroyant la naturalisation immédiate à tous les Juifs qui en font la demande. Autrement dit, écrit Louis-Philippe Dalembert dans le prologue d’Avant que les ombres s’effacent, la première république noire décide alors, « pour en finir une bonne fois avec la notion ridicule de race, que les êtres humains étaient tous des nègres, foutre ! ». Ce qui plus tard, le 12 décembre 1941, mène le fraîchement élu Élie Lescot à déclarer la guerre à l’Allemagne et à l’Italie.

Une fois posé ce contexte historique méconnu, la fiction se déploie autour de Ruben Schwarzberg, un médecin né en Pologne en 1913 dans une famille juive, fils d’une « matrone replète et peu amène », et qui, bien que confronté très tôt à l’exil, hérite du regard optimiste de l’auteur. De sa capacité à faire au mieux avec les caprices de l’histoire, aussi violents et nombreux pour un Juif au XXe siècle que pour un Haïtien d’hier ou d’aujourd’hui.

En plaçant Ruben sous une bonne étoile, Louis-Philippe Dalembert tourne le dos à toute tentation de misérabilisme et de repli identitaire. Réchappant de Buchenwald, son héros poursuit sa vie de migrations sans jamais se laisser aller au désespoir, de même que les proches dont il est séparé, et dont les trajectoires font l’objet de récits qui complètent la narration centrale. Laquelle, chronologique mais jalonnée de parenthèses consacrées à d’autres exils (Ruben croise ainsi à Paris le chemin de la poétesse haïtienne Ida Faubert), court jusqu’en 2010 à Port-au-Prince. Ville où le médecin a trouvé refuge pendant la Seconde Guerre mondiale et où, en plein séisme, il raconte son périple à sa petite-cousine née à Jérusalem. Comme une ultime preuve de foi dans les mots, malgré la succession des catastrophes.

Avant que les ombres s’effacent, Louis-Philippe Dalembert, Sabine Wespieser, 287 p., 21 euros.

Littérature
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