Vous reprendrez bien un peu de « Festen » ?

Cyril Teste propose une performance adaptée du film de Thomas Vinterberg. Un dîner de famille infernal dans un univers bourgeois en décomposition.

Anaïs Heluin  • 22 novembre 2017 abonné·es
Vous reprendrez bien un peu de « Festen » ?
© photo : Simon Gosselin

Si Festen (1998), le film de Thomas Vinterberg, a marqué pour la violence de la cérémonie qui s’y déroule, on se rappelle aussi la manière tremblante dont celle-ci a été filmée : avec un matériel bas de gamme, des raccords volontairement maladroits et des mouvements de caméra faussement hasardeux.

Cyril Teste se démarque nettement de cette approche typique du Dogme 95, mouvement cinématographique lancé en 1995 par Lars Von Trier et le réalisateur de Festen. Élégamment décorée de petits bouquets de fleurs, dressée avec une vaisselle fine, la table qui trône au milieu d’un plateau arrangé en salon bourgeois en témoigne à elle seule : le metteur en scène n’a pas fait vœu de pauvreté scénographique. Sa radicalité se situe ailleurs. Dans la froideur et la précision du rituel mis en scène, accentuées par une subtile utilisation des images vidéo.

En préambule à Nobody (2015), sa création précédente, Cyril Teste projetait une charte qui définissait en sept points le genre de spectacle – la performance filmique – qu’il a mis au point avec sa compagnie MxM. Dans Festen, cependant, ceux-ci s’expriment de façon plus discrète.

Ainsi, tandis que deux comédiennes en tenue de domestique s’affairent en une danse étrange autour de la table, un cameraman filme, dès les premières minutes de la pièce, les détails forestiers d’un tableau accroché sur un pan de mur côté jardin : Orphée ramenant Eurydice des enfers, de l’impressionniste Camille Corot. Il poursuivra sa captation pendant toute la durée du tumultueux soixantième anniversaire de Helge Klingenfeld (Hervé Blanc), imaginé par le dramaturge Morgens Rukov. La toile – toujours très bien cadrée, contrairement au film de Vinterberg – sera projetée en continu sur un large écran situé au-dessus de la scène.

La révélation par Christian (troublant Mathias Labelle), le fils aîné, des viols commis par son père, les scènes de ménage entre le cadet, Michaël (Anthony Paliotti), et sa femme, Mette (Estelle André), le rejet par l’assemblée du compagnon noir (Pierre Timaitre) de la sœur des deux hommes (Sophie Cattani) : toutes les violences qui ponctuent le dîner préparé et servi sur scène aux convives, parmi lesquels quatre spectateurs différents chaque soir, sont sans cesse questionnées par le dispositif. De même que la mort, un an plus tôt, de l’autre sœur, Linda, qui apparaît sous la forme d’un spectre « incarné » par Laureline Le Bris-Cep.

Tout en suggérant le repli sur elles-mêmes des sociétés occidentales, ce Festen met en garde contre les représentations qui les fabriquent parfois, ou du moins les consolident. Chose assez rare parmi les créations à mi-chemin entre théâtre et cinéma pour être soulignée. Et appréciée.

Festen, du 24 novembre au 21 décembre au Théâtre de l’Odéon, 75006 Paris, 01 44 85 40 40, theatre-odeon.eu. Tournée jusqu’en juin 2018. Toutes les dates sur collectifmxm.com

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