« Causeur », farceurs

C’est Causeur qui a déformé la pensée d’Alain Finkielkraut pour faire le buzz.

Sébastien Fontenelle  • 13 décembre 2017 abonné·es
« Causeur », farceurs
© Photo : PATRICE PIERROT / CITIZENSIDE

Ils sont « marrants », chez Causeur – le mensuel réactionnaire d’Élisabeth Lévy.

Le 10 décembre 2017, ils mettent en ligne, sur leur site, une conversation – énième du genre – entre cette publiciste et son pote Alain Finkielkraut [1]. Et ils confectionnent, pour mieux la vendre à leur clientèle droitière, ce titre plein d’exquise délicatesse : « Alain Finkielkraut sur l’hommage à Johnny : “Le petit peuple blanc est descendu dans la rue, les non-souchiens brillaient par leur absence.” »

Cela suscite évidemment de l’émotion – dans les réseaux sociaux, notamment, où les proférations chauvines dont Finkielkraut est coutumier passent moins bien que chez France Culture, et où cet énième épanchement soulève un grand dégoût.

Ce que constatant, les gens qui font Causeur mettent en ligne le lendemain (le 11 décembre, donc, ça serait bien que tu suives un peu) un nouvel article, pour dénoncer le « buzz » qui, depuis la veille, « s’attaque à un “dérapage” du philosophe Alain Finkielkraut », dont la déclaration sur « le petit peuple blanc » et « les non-souchiens » a donc provoqué un « tollé général sur Internet ».

Selon Causeur, il suffit d’écouter l’intégralité de l’échange entre Élisabeth Lévy et Alain Finkielkraut pour constater qu’en fait de « dérapage » « la phrase » qui a fait scandale a été « sortie de son contexte », et que l’« intellectuel » n’a pas vraiment dit ce que les commentateurs-trices malintentionné-e-s qui ont isolé cette citation veulent lui faire dire. Conclusion du magazine : « Le buzz a déformé la pensée d’Alain Finkielkraut. »

Sauf que, dans la vraie vie, c’est bien évidemment Causeur, et non « Internet », qui a déformé cette pensée – en sortant la phrase incriminée de son contexte pour en faire un titre bien racoleur. Pour faire le buzz, justement.

D’ailleurs, avant de s’en prendre aux internautes, les gens de Causeur ont discrètement remplacé ce titre [2] – « Alain Finkielkraut sur l’hommage à Johnny : “Le petit peuple blanc est descendu dans la rue, les non-souchiens brillaient par leur absence” » – par cette annonce, nettement moins répréhensible : « Alain Finkielkraut commente la mort de Johnny et de Jean d’Ormesson ainsi que la reconnaissance par Trump de Jérusalem comme capitale d’Israël. »

En d’autres termes : avant d’imputer à « Internet » la responsabilité de leur propre déformation de la pensée de Finkielkraut – puisque c’est de cela qu’il s’agissait, selon eux –, les gens de Causeur ont voulu effacer la trace de leur tripatouillage de cette pensée.

Bien tenté !

[1] Toutes les semaines, ces deux-là débattent de l’actualité sur RCJ. Leurs échanges sont grosso modo du niveau de ceux que tu entends le matin au rade d’en bas de chez toi, quand un pochetron se met à vociférer des saletés en séchant son blanc-cassis.

[2] Il n’est pas impossible que Finkielkraut lui-même n’ait que fort peu apprécié cette titraille, et qu’il ait demandé à ses ami-e-s de Causeur de la modifier, et vite, steuplaît, ou sinon, la prochaine fois, j’irai plutôt papoter avec le boss du Figaro.

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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