La fin de l’alignement des astres

La réduction de la dépense publique pèsera sur la croissance.

Liêm Hoang-Ngoc  • 14 février 2018 abonné·es
La fin de l’alignement des astres
© photo : DANIEL ROLAND / AFP

La publication par l’Insee des chiffres de la croissance indique que le PIB a crû de 1,9 % en 2017, le taux le plus élevé depuis la crise. Mais cet indicateur est imparfait pour mesurer la richesse matérielle et immatérielle : il doit être complété par des indicateurs de développement humain. L’analyse concrète des déterminants du PIB permet néanmoins de montrer que la reprise n’est en aucun cas le produit de la politique de l’offre, juste le résultat d’un « alignement de six astres » en passe de prendre fin.

Premièrement, la croissance a été stimulée par la baisse des taux d’intérêt résultant de la politique monétaire « non conventionnelle » menée par la BCE pour contrer la déflation qui menaçait la zone euro. Or, la BCE est en train d’organiser la sortie des politiques non conventionnelles et remontera bientôt ses taux directeurs.

Deuxièmement, cette baisse des taux avait provoqué une baisse de l’euro par rapport au dollar, diminution favorable aux exportations européennes. Mais le cours de l’euro par rapport au dollar est remonté à un niveau élevé, mettant fin à cette dévaluation compétitive.

Troisièmement, la baisse du prix du pétrole avait augmenté le pouvoir d’achat des ménages et soutenu la consommation (une baisse de 50 centimes le litre entraîne un gain de 150 euros par mois pour qui fait le plein une fois par semaine). Mais les cours du pétrole sont de nouveau orientés à la hausse, en même temps que les taxes.

Quatrièmement, l’investissement a été soutenu par la niche fiscale (décidée sous François Hollande) en faveur du sur-amortissement. Les entreprises ont donc accéléré le renouvellement de leur stock de capital. Or, cette mesure a pris fin en avril 2017.

Cinquièmement, l’investissement a de surcroît été tiré en 2017 par la reconstitution des stocks par les entreprises. Celle-ci est en passe de s’achever.

Sixièmement, la croissance américaine, soutenue après la crise par le déficit budgétaire et une politique monétaire accommodante, a tiré la reprise mondiale et, par voie de conséquence, les exportations françaises. Les États-Unis sont désormais en plein-emploi. Les entreprises accordent des hausses de salaire qui vont engendrer un surcroît d’inflation. Anticipant le phénomène, les marchés réagissent déjà, et les taux longs sur les emprunts d’État américains viennent de bondir, entraînant dans leur sillage les taux européens. Prétextant que la hausse des taux longs français alourdira les charges de la dette, le gouvernement, qui vient d’engager de coûteuses mesures en faveur des riches, a d’ores et déjà annoncé une nouvelle réduction de la dépense publique, laquelle pèsera sur les transferts, et donc sur la croissance.

C’est donc la combinaison de six facteurs conjoncturels, influençant toutes les composantes de la demande globale (consommation, investissement et exportations), qui explique le regain observé de l’activité. Cet alignement est en train de s’achever. La reprise est donc fragile, d’autant que les dépenses fiscales engagées au titre de la politique de l’offre (suppression de l’ISF et de l’impôt sur les dividendes, flat tax sur les revenus financiers, pérennisation du CICE) ont peu de raison de ruisseler dans l’économie.

Liêm Hoang Ngoc, Maître de conférences à Paris-I.

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