Notre-Dame-des-Landes : rêves d’enracinement
Après l’abandon, la mobilisation du 10 février a pris les atours d’un grand carnaval bariolé, et près de 30 000 personnes ont convergé sur la ZAD.
Quand les collectifs en lutte contre le projet d’aéroport ont décidé du rassemblement du 10 février sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, ils ne connaissaient pas la décision du gouvernement. Allait-on vers l’affrontement ou la liesse ? Avec l’abandon, la mobilisation, organisée la veille de mardi gras, a pris les atours d’un grand carnaval bariolé. Près de 30 000 personnes ont convergé sur la ZAD, selon des organisateurs surpris qui redoutaient une certaine désaffection, la victoire désormais acquise.
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Parmi les nouveaux venus, de nombreux sympathisants venus « pour ne pas rater ça. Il y a ici des jeunes qui n’ont jamais connu de victoire ! », souligne Michel Leclerc, résistant chevronné. Et puis quantité de militants engagés dans d’autres luttes sont venus chercher sur la ZAD des énergies solidaires.
Clou du carnaval, après des déambulations colorées à travers le bocage, l’embrasement d’imposantes effigies allégoriques représentant ces « grands projets inutiles et imposés » – avion, pelleteuse, ligne à haute tension, baril de déchets nucléaires, etc. « Le carnaval, c’est la fête des humbles chahutant les puissants », écrit Françoise Verchère, l’une des figures de cette lutte « qui laisse place à de nouveaux enjeux et combats, ici et ailleurs ».
Car la fête du 10 février n’est encore qu’une pause à Notre-Dame-des-Landes. Depuis que fermente l’espoir d’un abandon de l’aéroport s’est dessiné, pour les « nouveaux habitants » (vocable préféré à celui de « zadistes », qui suscite des réactions ambivalentes à l’extérieur), la perspective de s’enraciner sur la ZAD, rebaptisée « Notre-Rêve-des-Landes ». Or, si le gouvernement entend « rendre les terres à leur vocation agricole », quelle place pour les pratiques originales développées ici – maraîchage bio, petit élevage non lucratif, gestion collective des terres, etc. ? Les militants voient poindre avec préoccupation les appétits d’exploitants conventionnels désireux d’agrandir leurs parcelles. Et quid des expérimentations non agricoles – habitat alternatif, projets culturels, activités artisanales ?
Mais, avant d’affronter la préfecture, la « lutte » devra gérer un conflit né de la chute du projet : une minorité de nouveaux habitants entend ne rien céder à l’État, considérant comme une trahison la remise en état rapide, par les bras locaux, de la « route des chicanes », cette D281 truffée d’obstacles qui symbolisait la résistance à la moderne « Babylone ». Certains d’entre eux auraient suscité l’arrivée, samedi dernier, de membres radicaux prêts à soutenir leur point de vue.