Une vieille installation nucléaire américaine menace le Groenland

Enfouie profondément sous la glace, la base Camp Century remonte à la surface avec ses produits polluants sous l’effet du réchauffement.

Claude-Marie Vadrot  • 23 février 2018
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Une vieille installation nucléaire américaine menace le Groenland
© MARTIN RIETZE / LEEMAGE

Comme à Bure, les spécialistes et scientifiques avaient expliqué, dans les années 1950, que Camp Century ne constituerait jamais un danger. Ce site nucléaire souterrain construit il y a une soixantaine d’année au cœur du Groenland, comme toutes les installations de cette époque, devait être profondément enfoui dans l’épais manteau de glace, parfois profond de près de deux kilomètres, recouvrant en permanence une partie de l’île.

Cette installation américaine ultrasecrète, dont les responsables danois ne savaient alors pas grand-chose, faisait partie d’un réseau de bases destinées à abriter des missiles nucléaires visant les Soviétiques, pendant la guerre froide. Ailleurs, de tels équipements étaient dissimulés et protégés dans des abris souterrains installés sous d’imposantes couches rocheuses réputées hors d’atteinte des bombes nucléaires de « l’ennemi ».

Des centaines de tonnes de déchets

Un rapport du Pentagone publié au début de l’année estime que la moitié de leurs vieilles bases sont menacées par le réchauffement. Ainsi, à Camp Century, les militaires et leurs scientifiques firent confiance à la glace compactée depuis des siècles pour dissimuler à jamais les missiles et l’usine de montage. Au cœur de la base où travaillaient et vivaient des centaines de militaires, les déchets, carburants, PCB et éléments radioactifs se sont accumulés.

À la fin des années 1960, les États-Unis ayant changé de stratégie, la base fut abandonnée. Les fusées exfiltrées, elle fut très sommairement nettoyée. L’ensemble disparut dans la glace et sombra dans l’oubli. Mais l’accélération du réchauffement climatique au cours des vingt dernières années a entraîné la fonte progressive de la calotte glaciaire du Groenland. Peu à peu, donc, la base est remontée vers la surface. De plus, le réchauffement et l’accélération de la fonte ont donné naissance à des courants souterrains qui charrient les produits nocifs abandonnés jusqu’à la mer.

Cette situation inquiétante pour les habitants du Groenland et pour les eaux marines jusqu’au Canada, distant de 400 kilomètres, s’est récemment transformée en patate chaude diplomatique et politique. Car personne ne se bouscule pour prendre des mesures conservatoires et ensuite nettoyer le site. Les Danois et l’autorité autonome du Groenland ne disposent par des outils techniques pour une intervention qui coûtera très cher. Quand aux autorités américaines, elles ne se précipitent pas pour régler une question dont elles nient la gravité potentielle.

Écologie
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