Ça ne porte pas un nom ?

Qu’il s’agisse de vendre des armes ou de mener à son terme le bris d’un service public, une même logique est à l’œuvre.

Sébastien Fontenelle  • 7 mars 2018 abonné·es
Ça ne porte pas un nom ?
© PHILIPPE HUGUEN / AFP

Interpellée le mois dernier par un journaliste, Florence Parly, ministre de la Défense d’Emmanuel Macron (et ancienne directrice générale de la SNCF, où son salaire était – nous verrons ci-après qu’un tel rappel n’est pas complètement inutile – de 52 000 euros par mois), a plus ou moins fait mine de découvrir que l’Arabie saoudite et ses alliés de la coalition qui martyrise le Yémen avaient fait usage, dans cette très sale guerre, d’armes qui leur avaient été vendues par la France.

En réalité – et sauf à supposer qu’elle serait, dans ces matières, d’une candeur (disons comme ça) qui trahirait qu’il était délirant de lui confier un tel maroquin –, Florence Parly ne pouvait pas ne pas savoir que ces fidèles clients usaient contre des populations yéménites de ces arsenaux made in chez nous : elle ne pouvait, par exemple, pas ignorer qu’en 2016, dans le cadre d’une audition à l’Assemblée nationale, le PDG du groupe français Nexter, spécialiste de l’armement terrestre, se gargarisait de l’excellente nouvelle que « l’implication au Yémen » des chars Leclerc vendus peu de temps auparavant aux Émirats arabes unis avait « fortement impressionné les militaires de la région ».

Mais le plus important n’est pas là. Le plus important est que le gouvernement français, désormais, ne pourra plus jouer la surprise et ne pourra plus jamais prétendre qu’il ignore à quoi sont utilisées les armes qu’il vend à ses clients du Golfe – puisqu’il est désormais établi, merci Florence Parly, qu’il le sait parfaitement.

Or, ce gouvernement continue de vendre des armes aux Saoudiens et à leurs alliés. De la même façon qu’il continue de vendre des armes au maréchal Sissi – alors qu’il sait, non moins pertinemment, que « des blindés légers vendus par la France » ont tout récemment encore été « impliqués dans » une opération de l’armée égyptienne qui a donné lieu, selon l’Observatoire des armements, à « de multiples violations du droit humanitaire ».

Or – bis –, c’est ce même gouvernement qui vient de proclamer, au prétexte qu’elle perdrait trop d’argent aux « privilèges » des cheminot(e)s (dont le salaire représente une infime fraction de celui qui était concédé à Florence Parly lorsqu’elle y travaillait), qu’il mènerait à son terme sa « réforme » (évidemment acclamée par une éditocratie complice) de la SNCF, alors même qu’il sait, car cela s’est vérifié partout où elle a ainsi été imposée – chez France Télécom, à La Poste, à l’Office national des forêts, dans les hôpitaux –, que cette démolition programmée d’un service public se solde systématiquement – systématiquement – par des tragédies – et notamment par de terrifiantes vagues de suicides.

On constate donc qu’une même logique gouvernementale est toujours à l’œuvre, qu’il s’agisse de vendre des armes à des clientèles sordides ou de mener à son terme le bris « réformiste » d’un service public : dans un cas comme dans l’autre, des vies humaines sont en jeu, mais, dans un cas comme dans l’autre, elles sont tenues pour si négligeables qu’il est complètement admis qu’elles peuvent et doivent être sacrifiées.

Ça ne porte pas un nom ?

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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