La gauche sur les rails de l’unité

Du NPA à Génération.s, les partis et mouvements se mobilisent dans la « bataille culturelle » pour contrer la vulgate macronienne.

Pauline Graulle  • 28 mars 2018 abonné·es
La gauche sur les rails de l’unité
© photo : Pierre Laurent arbore le badge de la campagne « Mon train, j’y tiens », le 22 mars à la gare de l’Est, à Paris. crédit : Michel Stoupak/NurPhoto/AFP

La direction de la gare de l’Est leur a gentiment demandé de sortir de l’enceinte. Ils ont donc décidé de l’encercler. Il est 18 h, ce lundi 26 mars : une petite dizaine de militants communistes distribuent des tracts aux passants. « Pour sauver les services publics et la Sécurité sociale ! », lance une prof de lettres à la retraite, communiste « depuis tellement longtemps que c’en est indécent ». Entre la session de ce matin et celle de ce soir, 5 000 tracts sont partis, juste à gare de l’Est, se félicite Élie, militant communiste de la fédération de Paris, qui organise l’action.

À l’œil nu, l’accueil est plutôt bon. Poing levé d’un passant, regard complice d’un autre. Même celui-ci, en trench-coat, lunettes écaille et carré de soie autour du cou, a beau se dire de droite, il ne « veu[t] pas que Macron touche aux services publics ». Évidemment, il y a aussi les touristes qui demandent leur chemin, cette habitante de Château-Thierry, dans l’Aisne, qui dit avoir perdu « trois bons boulots parce que la SNCF, c’est n’importe quoi ». Mais Élie en reste persuadé : « On sent que les gens sont attachés à leurs services publics, même si beaucoup, surtout les jeunes, ne se rendent pas forcément compte que ça ne va pas de soi. »

Faire de la pédagogie. Tel est le but de la campagne « Mon train, j’y tiens ». Elle a été lancée par le Parti communiste deux jours avant la manifestation du 22 mars et continuera jusqu’au 3 avril. L’idée est de poster les militants dans un millier de gares pour expliquer aux usagers que la grève qui s’annonce est un mal (à court terme) pour un bien (à long terme). Ils distribueront en même temps les 115 000 badges « Mon train j’y tiens », destinés à « faire grandir l’attachement à un service public de qualité », explique Isabelle de Almeida, présidente du conseil national du PCF chargée de la coordination de la campagne, qui ajoute qu’« un travail d’interpellation » est mis en place auprès des élus locaux. Notamment dans les conseils régionaux censés financer les 9 000 km des fameuses « petites » lignes. « Depuis qu’il est au pouvoir, déplore Isabelle de Almeida, Macron n’arrête pas d’opposer les populations les unes aux autres : les agriculteurs aux cheminots, les usagers aux grévistes… À nous de leur faire comprendre que leurs intérêts sont les mêmes. »

Il n’y a pas que le PCF qui s’est donné cette mission. À Génération.s aussi, la « bataille culturelle » est en marche. Le mouvement diffuse un petit clip, « Stop aux idées reçues sur les fonctionnaires ! », à partager sur les réseaux sociaux. Quant à Benoît Hamon, il a entrepris de fédérer ses partenaires politiques qui ont signé l’appel unitaire sur la défense des services publics. L’idée est de s’afficher tous ensemble, dans les jours à venir, dans des gares de villes moyennes, « là où on ne va jamais », dit l’ancien candidat socialiste à la présidentielle. Olivier Besancenot pour le NPA, Pierre Laurent pour le PCF, un ou une représentant(e) d’Europe écologie-Les Verts sont d’ores et déjà partants. Les insoumis seront aussi dans la boucle de mails. « Les meetings, les grandes manifs, c’est très bien, mais il en reste les images habituelles, ce n’est pas ça qui va marquer l’opinion, diagnostique Benoît Hamon. Là où le gouvernement est très mal à l’aise, c’est sur la question des lignes de province qui vont fermer. C’est là qu’il faut aller. »

Côté France insoumise (FI), on se montre encore quelque peu timoré à se lancer dans des actions spécifiques au côté des autres partenaires. Charlotte Girard, responsable du programme pour le mouvement, garde ses distances : « On a choisi de ne pas privilégier une mobilisation par rapport à une autre, mais on soutient toutes les grèves et on va d’ailleurs inciter nos ‘‘insoumis’’ à mettre en place des caisses de grève. » Officiellement, il s’agit de « ne pas se substituer aux syndicats ». Officieusement, s’afficher avec les autres partis de gauche reviendrait à risquer de s’associer à la « soupe aux sigles » vilipendée par Jean-Luc Mélenchon. L’unité, d’accord sur le fond. Sur la forme, c’est une autre histoire.