Le fléau des pauvres

Les Françai·se·s économiquement faibles ont, à la différence des nanti·e·s, grand besoin d’être présidé·e·s.

Sébastien Fontenelle  • 18 avril 2018 abonné·es
Le fléau des pauvres
© photo : ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP

L****e chef de l’État français (CDL’ÉF), dont les administré·e·s soupçonnent d’assez longue date – et sur la foi de l’observation des premiers mois de son quinquennat – qu’il est (1) « le président des riches », a récemment produit, pour se laver de cette suspicion, et comme s’il était imparable, cet argument : « Je suis le président de tous les Français. Les riches, ils n’ont pas besoin de président, ils se débrouillent très bien seuls. »

Découvrant cela, j’ai consulté mon dico préféré, qui propose, pour le mot « riche », trente-deux antonymes, comme « désargenté », « disetteux », « économiquement faible », « gueux », « impécunieux » ou encore « nécessiteux » (et bien sûr : « pauvre »).

Si tous ces mots – ceux du CDL’ÉF et ceux du dictionnaire – ont un sens, cette déclaration ahurissante d’Emmanuel Macron signifie, notamment (2), que, dans son esprit, c’est parce qu’« ils se débrouillent très bien seuls » que « les riches n’ont pas besoin de président ». Et subséquemment : que c’est parce qu’ils et elles ne savent pas (« très bien ») se débrouiller seul·e·s que les Françai·se·s économiquement faibles – comme, disons, les étudiant·e·s qui se trouvent obligé·e·s de travailler pour financer leurs études, ou les chômeurs et chômeuses (3) dont l’allocation mensuelle moyenne est d’environ 1 000 euros (4) – ont, pour ce qui les concerne, et à la différence, donc, des nanti·e·s, grand besoin d’être présidé·e·s.

Ces pauvres pauvres, ainsi portraituré·e·s, ne sont, par conséquent, vraiment pas dégourdi·e·s. Mais que fait au juste, pour ces godiches, le présidentiel personnage qui prétend les aider (en même temps qu’il laisse les riches s’autogérer) à mieux s’organiser ?

La réponse est connue (5) : il tronque fièrement les (chiches) aides personnalisées au logement (APL) dont bénéficient, avec d’autres, les étudiant·e·s sans le sou, et commande, inaccessible à leur(s) détresse(s), toujours plus de flicages dégueulasses contre les salarié·e·s privé·e·s d’emploi. (Car il lui plaît aussi de finir d’installer dans l’époque l’idée que ces gens ont des envies de rapine.)

Cependant que, pour les riches, dont il soutient qu’étant tellement plus démerdard·e·s elles et ils n’ont nul besoin d’être discipliné·e·s, il supprime tout de même et tout de bon – c’est sa façon à lui de n’être pas leur président – l’impôt sur la fortune.

D’où se conclut qu’effectivement (cela du moins peut lui être accordé sans barguigner) M. Macron, au fond, n’est pas tant le président des riches que le fléau des pauvres.

(1) Bien plus encore que ses deux plus récents prédécesseurs, qui pourtant ne lésinaient pas sur le gavage des nanti·e·s.

(2) Il faudrait, pour mieux la commenter, plus de deux feuillets, tavu ?

(3) Si tu veux qu’on ait un débat sur l’écriture inclusive : on peut. Mais d’abord : on l’adopte.

(4) Soit, à très peu près, une moitié du salaire moyen.

(5) Et cette liste non exhaustive.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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