Macron en force

Les mots disent « dialogue », « concertation ». Les faits, eux, témoignent de la brutalité de l’État envers les étudiants, les zadistes, les cheminots, les demandeurs d’asile.

Michel Soudais  • 18 avril 2018 abonné·es
Macron en force
© photo : Frederick FLORIN / POOL / AFP

Emmanuel Macron a du dialogue social une conception bien à lui. Les syndicats, les premiers, en ont fait l’expérience quand, cet été, les dizaines de réunions bilatérales de concertation sur la loi travail n’ont jamais permis d’engager la moindre négociation sociale. Négociation ? Le mot même a disparu du vocabulaire macronien. « Le principe de la concertation selon le gouvernement, c’est “vous m’écoutez et vous faites ce que je dis” », ironisait récemment Philippe Martinez (1). Appliquée à la réforme de la SNCF, qui a franchi mardi la première étape de son processus parlementaire, cette « méthode du Président [est] plus encline au passage en force et à la surenchère qu’à la négociation », déplore la CFDT Cheminots dans un communiqué.

Sur ce dossier, comme sur la plupart des réformes engagées, l’exécutif ne se contente pas d’aller vite. Il y va fort. Une stratégie d’affrontement assumée sans détours par Emmanuel Macron, qui l’estime légitimée par le suffrage universel : « Transformer le pays, c’est le mandat pour lequel j’ai été élu », a-t-il encore répété face à Jean-Jacques Bourdin et Edwy Plenel dimanche 15 avril. Pour y parvenir, le chef de l’État et son gouvernement usent de toutes les ressources institutionnelles à leur disposition pour limiter le temps du débat parlementaire – ordonnances, procédure accélérée, déclaration d’urgence, vote bloqué… –, sans s’en satisfaire puisque leur projet de réforme constitutionnelle prévoit d’accroître encore la domination de l’exécutif sur le pouvoir législatif au nom de « l’efficacité ».

Confronté à des résistances dans la société, le pouvoir se fait volontiers méprisant. On se souvient des mots d’Emmanuel Macron désignant, depuis Athènes, en septembre, les opposants à ses réformes comme « les fainéants, les cyniques et les extrêmes », ou stigmatisant en octobre, sur TF1, la « jalousie » de ceux qui contestent ses cadeaux fiscaux aux « premiers de cordée ». Dans ses deux derniers entretiens télévisés, le président de la République, tout en affirmant « entendre toutes les colères », s’est employé à les trier. Compréhensif envers celle des personnels des hôpitaux ou des Ehpad, sans toutefois y apporter de réponse, il juge « légitimes » les colères qui correspondent à des réformes en cours, tout en affirmant sa détermination à conduire ces dernières « au bout » ; mais n’a pas de mots assez durs pour qualifier ceux qui s’opposent à « une décision prise ».

Ceux-là doivent éprouver, au besoin jusque dans leur chair, les rigueurs de « l’ordre républicain ». Depuis l’automne, le pouvoir a multiplié les interventions policières aux abords et jusque dans l’enceinte des universités. Comme si la brutalité pouvait être une réponse aux revendications des étudiants et étouffer un mouvement qui ne cesse de s’amplifier. À Notre-Dame-des-Landes, le refus de la négociation et du dialogue a porté la violence à son paroxysme.

Pas moins de 2 500 gendarmes en tenue de Robocop, équipés de blindés, armés de Flash-Ball et de toutes sortes de grenades, ont investi la ZAD depuis le 9 avril afin d’y déloger les occupants sans titre et de détruire leurs habitats et lieux collectifs. Rien n’obligeait ici à une telle urgence sinon la volonté politique de satisfaire cette frange droitière de l’opinion qui reprochait au gouvernement d’avoir cédé aux zadistes en renonçant à l’aéroport. Cette intervention militaire vise au moins autant à combattre un espoir. Celui d’une agriculture alternative paysanne et écologiste, d’une manière de vivre autrement, collective et non individualiste, à distance des valeurs cardinales de « la modernité » que déifie le libéralisme : la concurrence, la productivité et la rentabilité. Ce que d’aucuns désignent comme « Macron et son monde ».

(1) BFMTV, 19 mars.

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