Réforme de la zone euro : le non à Macron

L’abandon du chantier fiscal légalisera l’évasion.

Liêm Hoang-Ngoc  • 18 avril 2018 abonné·es
Réforme de la zone euro : le non à Macron
© photo : ELYXANDRO CEGARRA / CrowdSpark

Les politiques d’austérité ont conduit la zone euro au bord de la déflation. Celle-ci fut évitée en 2012 par l’action « non conventionnelle » de la Banque centrale européenne (BCE), qui, conjuguée aux baisses de l’euro et du prix du pétrole ainsi qu’à une certaine flexibilité du pacte de stabilité, a favorisé la reprise. Mais celle-ci reste fragile. En l’absence de politique budgétaire, la zone euro n’est pas armée pour surmonter ses déséquilibres macroéconomiques. C’est pourquoi des tenants des institutions européennes, qui ont pourtant dessaisi les États de leur souveraineté budgétaire, prônent désormais la création d’une nouvelle capacité budgétaire européenne, dont l’accès serait conditionné à la réalisation des réformes structurelles ordo-libérales. Le rapport « Compléter l’UEM » des cinq présidents (du Conseil européen, de l’Eurogroupe, de la Commission, du Parlement européen, de la BCE) suggérait ainsi, en 2015, le déploiement d’un budget de la zone euro, piloté par un ministre des Finances de la zone euro, conjointement à la mise en chantier de l’harmonisation fiscale. En outre, pour traiter les crises financières, il proposait l’achèvement de l’union bancaire, amorcée après la crise de 2008 mais restée en jachère.

C’est autour de ces propositions (budget de la zone euro, harmonisation fiscale et union bancaire) qu’Emmanuel Macron entend relancer la construction européenne. Quoique modestes et conformes à la stratégie libérale, ces propositions restent exagérées aux yeux de la base sociale conservatrice de la chancelière allemande. Lors du sommet de la zone euro du 23 mars dernier, le président français essuyait une fin de non-recevoir de l’Allemagne, mais aussi de sept États hostiles à l’harmonisation de l’impôt sur les sociétés. Olaf Scholz, ministre des Finances social-démocrate de la nouvelle coalition, le fit savoir en termes diplomatiques : « Ces idées apportent un nouvel élan au projet européen. Mais le président français sait aussi que toutes ses idées ne pourront pas être réalisées. » Quant à l’union bancaire, « il ne faudrait pas que survienne une situation injuste dans laquelle des pays membres apporteraient les fonds nécessaires à la sécurisation des dépôts, tandis que d’autres ne respecteraient pas les normes requises », ajouta-t-il. Il faut dire que les banques allemandes entendent abonder a minima les fonds de garantie des dépôts et de résolution des crises…

La leçon est également cruelle pour ceux qui, avec Yanis Varoufakis, prétendent, sans plan B, pouvoir changer de politique à traités constants, en attendant mieux. Ainsi, la discipline budgétaire interdira toute politique volontariste, nécessaire pour planifier la transition écologique. L’abandon du chantier fiscal légalisera définitivement l’évasion des profits sous couvert d’optimisation fiscale. L’ouverture à la concurrence rendra impossibles des services publics à la française et le retour à une SNCF intégrée.

Dans cette actualité européenne, la nouveauté vient de la constitution d’un axe européen insoumis, formé autour de Podemos en Espagne, du Bloco au Portugal et de la France insoumise, invitant les États qui le souhaitent à sortir ensemble des traités actuels pour fonder une Europe des peuples.

Liêm Hoang-Ngoc Maître de conférences à l’université Paris-I

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