Parcoursup, les raisons d’un échec annoncé

Les projections des effectifs étudiants étaient connues de tous.

Sabina Issehnane  • 30 mai 2018 abonné·es
Parcoursup, les raisons d’un échec annoncé
© photo : Lionel BONAVENTURE / AFP

Les lycéens et les étudiants en réorientation ont appris le 22 mai que, pour près de la moitié d’entre eux, leurs vœux d’orientation étaient « en attente » ou tout simplement refusés. Étudiants et lycéens se sont mobilisés depuis des mois afin d’alerter sur les dangers de cette réforme. La seule réponse qu’ils ont reçue de la part du gouvernement n’est que mépris ou, pis, coups de matraque. La semaine dernière, une centaine de personnes ont été mises en garde à vue dans un lycée parisien, dont de nombreux mineurs. Leur seul tort, avoir manifesté leur mécontentement à la suite des résultats de la procédure Parcoursup. La grande majorité des enseignants-chercheurs s’opposent – quel que soit leur avis sur la sélection – à cette réforme, dont ils jugent la mise en œuvre irréaliste.

En effet, qui peut penser que les lettres de motivation demandées aux jeunes ont été lues par les commissions pédagogiques des formations universitaires, qui ont reçu, pour certaines, plus de 3 000 candidatures ? Demander à un élève d’argumenter sur ses choix d’orientation à 17 ans relève du ridicule. N’oublions pas qu’Emmanuel Macron, à cet âge, se rêvait romancier. Les tâches administratives des maîtres de conférences et des professeurs d’université n’ont jamais été aussi chronophages, se substituant ainsi à leurs missions initiales que sont l’enseignement et la recherche. Le tri s’est donc effectué avant tout à partir des résultats scolaires des lycéens, tri qui tourne à l’absurde quand il s’agit de départager les candidats à la décimale ou au centième près. À la veille du baccalauréat, les lycéens ont raison de s’inquiéter pour leur avenir.

Le gouvernement a laissé la situation se détériorer alors que les projections des effectifs dans l’enseignement supérieur étaient connues de tous (1). Depuis 2008, les effectifs étudiants de l’enseignement supérieur ont augmenté de 20 %. Ainsi, le nombre d’étudiants est passé de 2,2 millions à 2,7 millions en 2018. Les projections du ministère révèlent que la population étudiante atteindra 2,9 millions en 2026. Pourtant, le budget de l’enseignement supérieur n’a que très peu augmenté : il est passé de 13,3 milliards en 2017 à 13,4 milliards en 2018, alors même que la rentrée 2018 devrait accueillir 65 000 étudiants de plus. Si l’on tient compte de l’inflation, la dépense par étudiant a ainsi diminué de près de 10 % depuis 2008. Sous-dotées, autonomisées depuis la réforme LRU de 2007, les universités se retrouvent incapables d’absorber cette masse d’étudiants supplémentaires. La solution était évidente pour le gouvernement : mettre en place une sélection à l’entrée qui conduira à accentuer le « tri social », en excluant encore davantage les classes populaires de l’accès à l’enseignement supérieur ; renforcer la concurrence entre établissements et leur polarisation ; et inciter ainsi certains à privilégier les établissements privés, qui ont connu une nette croissance des vœux d’orientation cette année.

(1) « Projections des effectifs dans l’enseignement supérieur pour les rentrées de 2017 à 2026 », Note d’information du Sies, ministère de l’Enseignement supérieur, avril 2018.

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