Cagnotte de grève SNCF : plus d’un million d’euros sera distribué aux grévistes

Quelque 1,2 million d’euros ont été récoltés en deux mois de collecte en ligne, à l’initiative d’un groupe d’intellectuels. Une association a été créée avec les syndicats pour organiser la distribution.

Erwan Manac'h  • 5 juin 2018
Partager :
Cagnotte de grève SNCF : plus d’un million d’euros sera distribué aux grévistes
© Photo : Alain Pitton / NurPhoto

Le succès surprenant de la cagnotte de solidarité avec les cheminots grévistes devrait faire date. Avec 1,2 million d’euros collectés en deux mois, l’appel extrêmement succinct, porté par des écrivains et personnalités de la culture, du monde universitaire et de la justice, n’est plus de l’ordre du geste symbolique.

Le point, à l’heure des comptes, avec Jean-Marc Salmon, un des initiateurs de la cagnotte.

Politis : Comment vous êtes-vous organisé pour distribuer la cagnotte de 1,2 million d’euros ?

Jean-Marc Salmon : Il faut d’abord rappeler que l’appel initial du 23 mars visait à permettre aux grévistes de desserrer l’étau financier et de décider en conscience de poursuivre ou non leur mouvement. Ce n’est pas une caisse de grève, mais un geste concret pour les aider à être libres dans leur décision.

Jean-Marc Salmon est sociologue.

Nous nous sommes rapprochés de l’interfédérale SNCF (CGT, Unsa, Sud, CFDT) et les choses sont allées très vite. Nous avons décidé de créer une association qui garantisse des critères communs, une centralisation des demandes et l’égalité de tous les grévistes. Les cheminots qui ont fait au moins quatre jours de grève nous envoient un dossier (copie de la fiche de paye qui indique les jours retenus), notamment par l’intermédiaire des syndicats.

Quel montant sera distribué aux grévistes ?

Il faut attendre la fin de cette semaine pour tirer un véritable bilan, car les dossiers sont en train de remonter, mais nous partons sur une base d’environ 20 euros par jour de grève. Ce montant sera réévalué en fonction du nombre de personnes à indemniser.

Nous distribuerons la totalité de l’argent récolté et relançons un appel pour la suite du mouvement. Un livre [écrit par 34 « écrivains solidaires » (1)] doit aussi permettre de récolter des fonds.

Cette cagnotte reflète-t-elle selon vous un nouveau mode de mobilisation, capable d’influer sur un mouvement social, ou sa portée demeure-t-elle symbolique ?

Tout d’abord, nous avons tous été surpris par le montant récolté. Personne n’imaginait dépasser la barre du million d’euros. Cette initiative nous a donc montré que nous avions un miroir déformé de la société, car nous ne pensions pas un tel élan d’entraide possible.

La deuxième leçon est que cela a marché par une conjugaison de facteurs. Notamment le fait que la cagnotte a été lancée par des romanciers, des gens de cinéma, des avocats, des universitaires, bref des « artisans des mots ». Ce sont des gens qui ont une bonne image dans la société. La confiance des gens était forte, dès le démarrage, alors que nous n’avions donné aucune explication durant les premiers jours, faute de temps. Les gens ont confiance. Ils savent que nous sommes désintéressés. Cette confiance traduit quelque chose de notre société.

Les messages des donateurs sont aussi intéressants. Ils disent leur attachement aux services publics et sont nombreux à nous remercier, car la cagnotte a donné à voir la solidarité et montré que nous sommes unis. La preuve que cela a son importance : beaucoup de sections syndicales choisissent de verser des chèques de solidarité sur la cagnotte, plutôt que d’alimenter la caisse de grève de leur syndicat. Ils veulent que cela se voit. C’est important aussi pour les grévistes, qui sont touchés par cette solidarité visible.

Mais, par son ampleur, la cagnotte dépasse cette portée symbolique. Quelqu’un qui a perdu 600 euros en faisant 12 jours de grève, sur un salaire de 1 800 euros, touchera tout de même 240 euros. C’est loin d’être négligeable. Et j’espère que nous arriverons à faire mieux.


(1) La Bataille du rail, cheminots en grève, Écrivains solidaires, Don Quichotte, 16,90 euros

Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don