Prison : Des hommes en cage

Témoignage d’Éric *, incarcéré dans une maison d’arrêt en Normandie.

Jean-Claude Renard  • 11 juillet 2018 abonné·es
Prison : Des hommes en cage
© photo : ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP

Condamné à trois ans de prison ferme, je passe mon incarcération après avoir été mis successivement en renouvellement de mandat de dépôt (trois fois), puis en détention exceptionnelle en attendant le jugement. Aux arrivants, je suis sonné, surpris par le bruit, cet écho permanent, cette odeur de merde, de pisse, de transpiration mélangée à l’odeur de la bouffe. Ça pue la testostérone. Ces gens qui gueulent, tapent dans les portes. J’ai l’impression d’arriver dans un zoo ! Un zoo sans visiteurs et des hommes en cage. Ce sont eux, les animaux ! C’est donc moi.

Je suis devenu un numéro, une cellule, un matricule. La nuit, les cris, les murmures et la détresse transpirent. Le temps ne compte plus, c’est la maison d’arrêt ! La première promenade est un choc, avec ses marches mécaniques, les yeux hagards, la bouche pâteuse des zombies… Tu te demandes si tu deviendras comme ça, ou si, sans t’en rendre compte, tu es déjà devenu comme ça. Tu te fais peur et tu ne te reconnais plus. L’image renvoyée du miroir laisse apparaître un autre : ce n’est plus toi.

À l’arrivée, promptement, le gradé m’avait affirmé : « Vous serez avec des profils 100 % compatibles. Ne soyez pas inquiet. » J’arrive, nous sommes trois ! Dans une surface de 9 m2 plus petite que ma salle de bains. Je ne fume pas, je n’avais jamais fumé, un de mes « co » fume dix-neuf pétards par jour. Cette salle de bains se transforme en Woodstock, mon cerveau éclate ! Ici, tout devient compliqué : se laver, prendre une douche, respirer. Nous vivons les uns sur les autres. Nous pissons, nous chions ensemble, la dignité humaine n’est plus qu’une abstraction. L’épaisseur des trois rangées de barreaux et de la grille ajoutée réduit le petit filet d’air et de lumière que la lucarne veut bien diffuser. Je deviens mendiant de lumière et d’air frais. Tu t’effondres, tu baisses les bras. Tu n’es plus rien.

Dans quel état sortirai-je d’ici ? Anéanti, brisé, détruit ? Est-ce là le but de la détention ? Expliquez-moi. »

(*) Le prénom a été modifié.

Société Police / Justice
Publié dans le dossier
Prisons surpeuplées, un mal français
Temps de lecture : 2 minutes

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