Service de presse

Les médias ont servilement répercuté l’info selon laquelle Aboubakar Fofana était connu des services de police.

Sébastien Fontenelle  • 11 juillet 2018 abonné·es
Service de presse
© photo : SUAAN SUAAN / CROWDSPARK

Mardi 3 juillet, Aboubakar Fofana, un jeune homme de 22 ans, est mort à Nantes, tué – dans sa voiture et sans sommation (1) – d’une balle dans la carotide par un CRS.

Immédiatement, les forces de l’ordre ont construit, pour justifier cette exécution, un récit épique, d’où ressortait notamment que le défunt avait, en substance, tenté de fuir, en marche arrière, en roulant sur un policier (et sur des enfants) – et qu’il était donc assez normal de l’abattre : c’était de la « légitime défense ». Par un surcroît de précaution : elles ont également proclamé que l’« individu » abattu était « un délinquant recherché qui faisait l’objet d’un mandat d’arrêt », comme si cela pouvait, d’une manière ou d’une autre, légitimer sa mort.

Immédiatement, la presse et les médias, plutôt que d’interroger ces procédés (devenus courants au fil des ans), se sont de fait rendus aux injonctions des politicien·ne·s de droite et d’extrême droite qui proclamaient, à l’unisson du député Ciotti, que « la suspicion de soutien » devait « aller au policier » – et ont servilement répercuté l’information selon laquelle Aboubakar Fofana était « connu des services de police ». Et cet empressement à valider la communication policière était, déjà, odieux.

Mais un journaliste du service public – dont par pudeur nous tairons le nom – s’est après cela illustré par sa plus particulière indécence en confectionnant, deux jours après la mort du jeune homme, ce tweet infect : « Ce matin, un flic m’a fait signe de stopper mon véhicule. J’ai obtempéré. Sans chercher à lui rouler dessus. Eh bien vous n’allez pas le croire, il ne m’a pas tiré dessus et il n’y a pas eu d’émeutes dans mon quartier. » (Traduction : si Fofana a été exécuté, c’est qu’il l’avait quand même bien cherché, il n’avait qu’à pas rouler sur un keuf – moi je ne fais jamais ça, et du coup personne ne me tire une balle dans le cou.)

Mauvaise pioche : il est ensuite apparu, lorsque le CRS qui s’était d’abord prévalu (contre toute évidence) de la « légitime défense » a reconnu qu’il avait menti, que le récit policier de cette exécution, auquel ce si digne journaliste avait donc (avec d’autres) si pleinement et si rapidement adhéré, était complètement bidon.

Le même rigoureux professionnel (2) s’était déjà illustré, dans le passé, par d’incommodantes proférations – et il aurait tort de se gêner, puisque jamais elles ne sont sanctionnées par ses employeurs. De sorte qu’il pourra continuer de se plaindre, comme il a déjà fait, d’être « entouré par les menteurs », et de narrer son « impression de vivre dans une immense bulle où le mensonge fait loi » : paroles d’expert.

(1) Y aurait-il eu sommation que sa mort n’aurait pas été moins intolérable : nous sommes parfaitement d’accord sur ce point.

(2) Interpellé par des internautes, il a d’abord rétorqué qu’il n’avait pas dit ce qu’il avait dit. Puis, comme cela ne suffisait pas à tarir leur contradiction, il a restreint l’accès à son compte Twitter.

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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