Si la République est inaltérable, Macron ne l’est plus

TRIBUNE. Pour Thomas Kekenbosch, membre de Génération.s, l’affaire Benalla frappe au cœur du pouvoir.

Thomas Kekenbosch  • 20 juillet 2018
Partager :
Si la République est inaltérable, Macron ne l’est plus
© photo : JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

Abattant la confiance par surprise, l’affaire Benalla endommage brutalement le pouvoir comme aucune des erreurs d’Emmanuel Macron n’avait jamais pu le faire jusqu’à présent.

Ni les opérations immobilières de Richard Ferrand, ni les emplois fictifs présumés de François Bayrou, ni les conflits d’intérêts potentiels du secrétaire général de l’Élysée Alexis Kohler, celui de la ministre de la Culture Françoise Nyssen avec Actes Sud, ou encore celui de la ministre de la Santé Agnès Buzyn dans la nomination de son mari à l’Inserm, ni les ristournes sur les factures de ses meetings et les doutes sur le financement d’une campagne électorale par Emmanuel Macron encore ministre, ni les déplacements organisés par Business France et la future ministre du Travail à Las Vegas… Rien, dans la vertigineuse liste des affaires qui ont touché le pouvoir en à peine un an, n’avait pu franchir le mur du son médiatique et populaire et toucher le Président. Les revirements politiques à 180 degrés de l’humaniste devenu anti-migrants et de l’écologiste devenu pro-glyphosate n’y ont rien fait non plus.

C’est qu’Emmanuel Macron, seule étoile au milieu d’un paysage politique désolé et d’un gouvernement peuplé d’anonymes, répondait chaque fois par l’indifférence dédaigneuse de celui qui est sûr de son fait et qui ne déviera pas. « La République est inaltérable », tente-t-il encore aujourd’hui, dans une tentative désespérée de rester sur l’Olympe qui le protège comme par magie des coups et des vicissitudes de ce qui est systématiquement renvoyé à de la politique politicienne.

Une bulle de savon qui se prétendait légion romaine

Sauf que l’affaire Benalla est venue. Elle frappe au cœur du pouvoir. La République des copains, cela passe encore quand il s’agit d’un marché ou de quelque passe-droit. Mais qu’y a t-il de plus cru que de frapper furieusement un homme déjà à terre ? Quel parallèle terrible avec les coups de boutoir incessant d’un président de la République qui ne fait pas autre chose lorsqu’il perfore le code du travail, qu’il insulte des grévistes, ou qu’il baisse les droits sociaux ! Quel parallèle terrible que ce pouvoir qui semble avoir protégé un homme de l’ombre comme il protège une petite caste de privilégiés dédouanés d’ISF !

Avant même les commissions d’enquête et les enquêtes préliminaires, tout s’est brisé en une seule image. Et tout le reste pourrait s’effondrer avec cette bulle fragile qui entourait le Président : l’affaire Benalla révèle en creux à quel point ce pouvoir qui semblait si fort, si rigide, si arrogant de certitudes, n’était qu’une bulle de savon qui se prétendait légion romaine. L’évidence rétrospective, c’est que par la seul force de la parole performative d’un Jupiter autoproclamé, tout le monde y avait cru. Si la République est inaltérable, Emmanuel Macron ne l’est plus.

Alors que la défiance morale va maintenant s’ajouter à la rancune, Emmanuel Macron entre désormais dans le dur. Mais la gauche aurait tort de s’en féliciter. Faire tomber un roi n’est d’aucune utilité sans disposer d’une alternative. Les affaires s’enchaînent comme les quinquennats et font le lit de tous les adversaires de la République. Alors vite, cessons la course au chaos, mettons un nouvel espoir écologique et social au cœur de la République, pour que les coups incessants que lui portent des libéraux affairistes ne soit pas le seul horizon des Françaises et des Français.

Publié dans
Tribunes

Des contributions pour alimenter le débat, au sein de la gauche ou plus largement, et pour donner de l’écho à des mobilisations. Ces textes ne reflètent pas nécessairement la position de la rédaction.

Temps de lecture : 3 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Non à la mise en péril du processus de décolonisation en Nouvelle-Calédonie 
Appel 12 avril 2024

Non à la mise en péril du processus de décolonisation en Nouvelle-Calédonie 

TRIBUNE. La politique du coup de force, irrespectueuse des droits légitimes du peuple Kanak, conduite par le gouvernement ne peut mener qu’à un immense gâchis, s’alarment dans cet appel 56 personnalités.
Par Collectif
3 000 vaches pour 1 200 habitants : un projet absurde, à l’image de la politique agricole
Tribune 11 avril 2024

3 000 vaches pour 1 200 habitants : un projet absurde, à l’image de la politique agricole

TRIBUNE. Radicalement opposés à cette ferme-usine, Victor Pailhac, Azelma Sigaux et Fiona Vanston, coordinateurs nationaux de la Révolution écologique pour le vivant (REV), estiment que son abandon devra initier la révolution végétale et éthique qui s’impose à notre humanité.
Par Victor Pailhac
Interdire les « polluants éternels » : après la France, l’Europe !
Tribune 10 avril 2024

Interdire les « polluants éternels » : après la France, l’Europe !

TRIBUNE. L’Assemblée nationale a adopté une proposition de loi vers l’interdiction des PFAS, polluants éternels omniprésents dans la vie quotidienne. Trois élus écologistes, dont Marie Toussaint, appellent à son adoption au Sénat le 30 mai prochain et à une application du principe en Europe.
Par Anne Souyris
« Le service civique, ce n’est pas tout beau, tout rose »
Tribune 9 avril 2024

« Le service civique, ce n’est pas tout beau, tout rose »

Le risque est d’en présenter des contours parfaits, et ainsi, d’en affaiblir la portée, estiment deux sénatrices du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires et les co-secrétaires nationales des Jeunes Écologistes.
Par Mathilde Ollivier