« Au-delà des ténèbres », de Simon Abkarian : Tragédie authentique

Une ample fresque de Simon Abkarian sur les réfugiés des guerres du Proche-Orient.

Gilles Costaz  • 4 septembre 2018 abonné·es
« Au-delà des ténèbres », de Simon Abkarian : Tragédie authentique
© photo : Antoine agoudjian

Simon Abkarian rappelle volontiers que c’est grâce à Nicolas Sarkozy qu’il s’est mis à écrire : le comédien a jugé le langage de l’ancien président français si médiocre, si indigne d’une culture aussi riche que celle de la France, qu’il a décidé, lui l’Oriental né en banlieue parisienne d’une famille venue d’Arménie, de devenir un auteur de théâtre. Depuis ­Pénélope, ô Pénélope, en 2009, malgré ses nombreux rôles au cinéma, il a beaucoup écrit.

Cette rentrée, Ariane Mnouchkine, qui a souvent dirigé Abkarian dans les spectacles du Soleil, accueille Au-delà des ténèbres, qui n’est pas un nouveau texte mais la réunion de deux œuvres dramatiques déjà jouées, Le Dernier Jour du jeûne et L’Envol des cigognes. Le spectateur peut voir les deux parties séparément ou dans une intégrale donnée le week-end. Avec les entractes, la version complète dure huit heures. Le rythme des grandes sagas du Soleil est retrouvé !

La mythologie antique hante Abkarian, mais il n’écrit pas de fausses tragédies antiques. Les thèmes d’avant Jésus-Christ tournoient dans sa tête, et le parler théâtral des Grecs de jadis lui donne une musique, une ­inspiration, une dimension. Question de souffle : Abkarian respire et fait danser les mots comme les auteurs et le peuple d’Épidaure. Mais il parle de « tragicomédie », et même de « tragicomédie de quartier méridional » : on rit et on pleure sur sa Méditerranée moderne.

Au-delà des ténèbres se déroule sur dix ans. Une famille, six femmes et quelques hommes en scène (Abkarian prend toujours le parti des femmes). Ces gens étaient heureux. La guerre est arrivée. Il a fallu fuir, marcher, avoir faim, enterrer des morts. Dans quels pays nous trouvons-nous ? L’auteur ne le dit pas. Nous sommes dans tous les pays où la guerre frappe et où les populations survivent sans savoir comment elles repoussent les violences et les privations. Mais le Proche-Orient est la matrice. C’est là que les bombes et les balles frappent sans répit, là que les religieux discourent avec véhémence.

Tous les rôles féminins sont de la même importance. De sorte qu’Ariane Ascaride joue à égalité avec Pauline Caupenne, Délia Espinat Dief, Marie Fabre, Océane Mozas, Chloé Réjon et Catherine Schaub-Abkarian. Quelques hommes aussi sont de la partie : Simon Abkarian lui-même, David Ayala, Assaâd Bouab et Igor Skreblin. L’auteur signe aussi la mise en scène, maître d’œuvre jusqu’au bout.

Au-delà des ténébres, Théâtre du Soleil, La Cartoucherie, Paris, 01 43 74 24 08. Jusqu’au 14 octobre. Textes de Simon Abkarian chez Actes Sud Papiers.

Théâtre
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