« Le Jeu de l’amour et du hasard » : Amours débutants

Une nouvelle génération d’acteurs s’empare des ruses de Marivaux dans une mise en scène de Benoît Lambert.

Gilles Costaz  • 2 octobre 2018 abonné·es
« Le Jeu de l’amour et du hasard » : Amours débutants
© photo : V.Arbelet

Le Théâtre Dijon-­Bourgogne, centre dramatique national, est en tournée : à Paris d’abord, puis dans une vingtaine de villes de France. Il nous a habitués, depuis qu’il est dirigé par Benoît Lambert, à des spectacles mordants sur l’économie et la politique, écrits par François Bégaudeau, Jean-Charles Massera et d’autres. Il nous a aussi donné des classiques vigoureusement martelés, comme un Tartuffe de belle mémoire.

Aujourd’hui, c’est Le Jeu de l’amour et du hasard qui nous est proposé, selon une formule un peu différente. Lambert a choisi de jeunes comédiens issus de l’École régionale d’acteurs de Cannes-Marseille. Il les place dans ce qu’il appelle un « espace d’essai » et leur donne la chance et le risque de jouer les personnages de Marivaux.

Le décor d’Antoine Franchet se découpe joliment en deux avancées du proche au lointain : d’un côté, la nature à l’herbe très verte ; de l’autre, l’intérieur d’une demeure à l’encombrement étouffant, avec ses bocaux briqués et ses animaux naturalisés. Les personnages âgés – ces ­manipulateurs qui jouent avec l’amour et le hasard – portent des costumes qui évoquent un à-peu-près de XVIIIe siècle. Les jeunes, ceux qui, en voulant jongler avec les codes sociaux, sont pris au piège de leur ruse, sont vêtus comme s’ils appartenaient à la domesticité et à la filiation de l’aristocratie finissante ­d’aujourd’hui.

Du point de vue de l’interprétation, il faut bien dire que c’est encore imparfait. Face aux deux acteurs aguerris de la distribution, Robert Angebaud et Étienne Grebot, les nouveaux venus peinent à s’imposer. ­Rosalie Comby et Malo Martin sont les plus convaincants, avec leur présence riche en sensibilité et en drôlerie.

Du point de vue de la mise en scène, Benoît Lambert se situe là où la pièce frôle la mise en question des relations sociales. Un noble peut-il aimer une domestique, et un laquais une femme « bien née » ? Lambert, moins inspiré que lorsqu’il faisait gronder Tartuffe, s’amuse à noircir la situation mais ne parvient pas à faire vraiment trembler les lignes. Oui, espace d’essai, galop d’essai…

Le Jeu de l’amour et du hasard, théâtre de l’Aquarium, Cartoucherie de Vincennes, Paris, 01 43 74 99 61. Jusqu’au 21 octobre, puis en tournée.

Théâtre
Temps de lecture : 2 minutes