Mangeur de sons

Un coffret rassemble la palette variée d’Heitor Villa-Lobos, puisant à de nombreux univers.

Denis Constant-Martin  • 10 octobre 2018 abonné·es
Mangeur de sons
© AFP

Le compositeur brésilien Heitor Villa-Lobos (1887-1959) fut l’une des figures centrales du modernisme national prôné par le « mouvement anthropophage », qui agita les milieux intellectuels de son pays dans les années 1920. Il entreprit ainsi de « dévorer » la musique « classique » européenne pour la digérer grâce à des sucs proprement brésiliens.

Gardant le souvenir puissant de Jean-Sébastien Bach (les Bachianas brasileiras), il absorba des éléments trouvés chez ses contemporains (les Français Claude Debussy, Erik Satie et Darius Milhaud, mais aussi Igor Stravinsky) et les assimila par le biais de musiques brésiliennes intensément goûtées dans les villes (les rythmes dansants du choro, précurseur de la samba) et les campagnes (mélodies amérindiennes, airs de carnaval et de fêtes, afro-brésiliennes en particulier).

Heitor Villa-Lobos ne se pensait pas en ethnomusicologue, comme les Hongrois Béla Bartók et Zoltán Kodály, mais retravaillait en imagination tous ces sons pour inventer des combinaisons de timbres particulières qui faisaient entendre des rythmes robustes sur des harmonies inouïes. Les œuvres sélectionnées dans ce coffret donnent une belle illustration des multiples facettes de son talent : pièces pour guitare seule, compositions pour ensemble de violoncelles et orchestre symphonique.

Outre les choros et les Bachianas brasileiras, on découvre ainsi les fresques étonnantes que sont le ballet Uirapuru et la suite Floresta do Amazonas, ainsi que la prodigieuse fantaisie pour piano A Prôle do Bebe (« La Famille du bébé »), qui met en jeu, sous les doigts d’Arthur Rubinstein et du Cubain José Echániz, une conjugaison d’harmonies audacieuses et de rythmes complexes.

Heitor Villa-Lobos, sa musique et ses interprètes, Frémeaux (coffret 4 CD).

Musique
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