Permis de tuer

Ces faux-culs s’indignent de la disparition de Kashoggi tout en vendant des flingues à Riyad.

Sébastien Fontenelle  • 17 octobre 2018 abonné·es
Permis de tuer
© photo : Yasin AKGUL / AFP

M****onsieur Salmane (Mohammed ben), prince héritier de Saoudie, qui nous a récemment été vendu par des journalistes français (1) comme le gars formidable qui allait enfin « tout changer » (2) dans son pays pour en faire une espèce d’Éden démocratique – M. Salmane, disais-je, est donc soupçonné d’avoir avalisé l’enlèvement, puis l’assassinat (puis le dépeçage), derrière l’abri des hauts murs d’un consulat à Istanbul (Turquie), du journaliste Jamal Kashoggi, collaborateur, notamment, du Washington Post, qui avait suggéré que l’émir était peut-être moins uniment funky que ne l’ont décrété lesdits journalistes.

Scandalisé par ce soupçon, le ministre saoudien de l’Intérieur a dénoncé des « mensonges sans fondement », puis ajouté que son pays était notoirement « attaché à ses traditions de respect des règles et des conventions internationales ». Et, certes, cette proclamation relève assez nettement du foutage de gueule caractérisé. Mais il est vrai aussi que ce fin rhéteur aurait tort de se gêner.

Puisque, petit un : il y a fort longtemps que son pays pratique, sans se soucier le moins du monde des textes internationaux qui réprouvent ces atrocités, la torture et l’assassinat. C’est du moins le constat que dresse depuis des années Amnesty International, qui relevait déjà, en 1990, dans un rapport sur l’Arabie saoudite : « Au moins 27 prisonniers d’opinion ont été incarcérés, et plus de 70 personnes, dont certains prisonniers d’opinion probables, ont été détenues sans inculpation ni jugement. Des prisonniers politiques ont été maintenus en détention prolongée au secret, sans être jugés. La torture aurait été régulièrement pratiquée et une personne est décédée en garde à vue, apparemment des suites de tortures ou de mauvais traitements. Des peines d’amputation et de flagellation ont continué à être prononcées et appliquées. Au moins 111 personnes ont été exécutées, dont 16 pour des délits politiques. » Et, depuis, rien n’a changé, ou presque – à ceci près que le royaume s’est diversifié à l’international et procède aussi, depuis quelques années, à des massacres massifs de Yéménites.

Puis surtout, petit deux : ces agissements n’offusquent nullement ses fournisseurs occidentaux – ces faux-culs dégueulasses qui font aujourd’hui comme si la disparition de Kashoggi leur était insupportable. Tout au rebours, ces empressés commerçants continuent, au fur et à mesure que tombent (parmi d’autres) les accablants rapports d’Amnesty – le dernier en date relevait que « la torture et les mauvais traitements en détention restaient monnaie courante » en Arabie saoudite –, de vendre des flingues à Riyad. À l’image du si décent M. Macron, chef de l’État français, qui « juge l’affaire Kashoggi très grave (3) » – mais qui, tout de même, « soutient » activement ces « ventes d’armes (4) ».

(1) Les mêmes, qui, lorsqu’ils ne sont pas occupés à chanter ainsi la louange de l’une des pires tyrannies fondamentalistes de la planète, aiment à nous prévenir contre « l’islam ».

(2) Le Point, 14 décembre 2017.

(3) France 24, 12 octobre 2018.

(4) Challenges, 22 février 2018.

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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